[Courtier Dean Casely]Relax Teenagers à Beverly Hills

Soleil et palmiers. Enfin ça, c'était tout à l'heure, parce que depuis, la beuverie d'anniversaire de Brenda commençait un peu à s'éterniser. La fameuse Brenda, carte de fidélité chez le chirurgien plastique depuis l'âge de 14 ans, seul le cerveau est d'origine, était actuellement en train de se trémousser sous les vivas d'une cohorte de mâles en rut et dopés aux stéroïdes, et sous le regard désabusé de Dean, vautré dans un transat, une bière à la main.

*En voilà une qui va se demander qui est le père dans neuf mois... Quoique non, elle se sera faite avorter avant cette conne.*

Évidemment, il avait fallu qu'il se fasse inviter, comme tout le quartier, parce qu'il fallait inviter les personnes en vue pour se faire bien voir. Voir et être vu. En tout cas, en parlant de voir, ça devenait du grand spectacle. Rien de bien nouveau sous le soleil, Dean avait déjà du se la faire, comme grosso modo tout le quartier, et toute l'université. Peut-être même toute la côte ouest.

C'était un éternel recommencement... Une orgie bien décadente à chaque anniversaire, où les alcools forts coulaient à flot, les drogues dures tournaient, et où il était impossible d'entrer dans une pièce de l'immense baraque cadre de tout ce cinéma sans tomber sur un double cheeseburger en train de lever sur le tapis, avec quelques spectateurs, et plus si affinités.

Dean but une gorgée de bière, et poussa un profond soupir. Cette fête était chiante. Son regard tomba sur le bol à punch et un éclair de sadisme traversa son visage.

*Je crois que le moment est venu maintenant de rendre les choses un peu plus amusantes.*, songea-t-il tout en se levant.

Affalé à côté du bol à punch, un verre à moitié vide en main, l’air plus très net, voire même carrément torché, un gros type barbu se tourna vers Dean.


Tony Bryanson, une brute BCBG type rebelle j’me fous des autres et de la société. Fils de bourgeois décalés qui habitaient le même quartier que Dean. Il ne pouvait que le connaître, pour ses nombreuses frasques : violence verbale et physique, abus d’alcool, de drogues, trafics divers… Toujours libéré sous caution par ses parents chéris, qui se fichaient visiblement de la décadence de leur rejeton.

Et le gros lard sembla reconnaître Dean…

« Dean ! Dean Casely ! Haha ! »

Sa voix était globuleuse et hésitante. Aucune surprise, vu son état. Il souleva sa carcasse pour avancer vers Dean et lui taper sur l’épaule, en y laissant sa main, lourde et insistante.

« Tain vieux, c’te soirée ! t’as pas l’air de t’marrer, faut boire plus ! »

Il trempa son verre à même le bol de punch, et te le tendit jusqu’au visage.

« Allez mec, vire le balais qu’t’as dans l’derche ! »

*Mémo personnel... Jeter ce haut.*, songea Dean alors que Tony y attardait un peu trop longtemps sa main.

Un gros porc sans classe. Exactement le genre de parasite abject résurgence d'une espèce décadente en voie de disparition. Et pour le coup, entre son faciès rougeaud, son style alcoolisé, et son haleine du même, ce brave Tony avait l'air d'être véritablement en voie de disparition... Dommage qu'ils n'aient pas été seuls, une exécution sommaire en ces lieux aurait été trop voyante. Quoique, la masse des convives semblait être toujours attirée par Brenda.

Il fallait trouver un stratagème, et la proximité du verre de punch lui donna une idée.

"Non, c'est gentil Tony, mais moi... Je préfère les trucs un peu plus forts... Ça te dirait de faire un petit concours ? Et le perdant finit à poil tout seul dans la piscine !"

Voilà un programme qui promettait d'être amusant, surtout pour un ivrogne dans ce genre. Dean ne se faisait pas trop de soucis : cela faisait bien longtemps qu'il avait perdu toute sensibilité à l'alcool, sans doute grâce à son pouvoir, mais quand bien même, Tony avait l'air tellement avancé que ce ne serait probablement pas trop dur de gagner même en étant normal, quoique l'idée d'être normal avait un petit quelque chose de répugnant.

En tout cas, Dean regarda sur la table, et sous la table (c'est souvent là qu'on range les stocks) à la recherche d'une quelconque bouteille de rhum ou de tequila qui serait appropriée pour ce genre de concours.

« Haaaaahaaaa ! Ça ça m’plait, petit ! »

Il frappa consécutivement deux fois sur l’épaule du mutant, avec sympathie, tout bourru qu’il était. Et bourré. Dean venait de trouver une bouteille de rhum blanc sous la table du punch, avec quelques autres d’alcools moins forts, dont le ravitaillement déjà mélangé, au cas où le punch se viderait plus vite que prévu.

« écoutez-tous, regardez comment on bat un p’tit merdeux en le faisant picoler ! »

Il était hilare, et l’expression « merdeux » lui avait échappé sans qu’il s’en rende compte. Autour, quelques regards convergèrent dans sa direction, alors qu’il s’emparait d’une seconde bouteille de rhum, trouvée sous la table.

Il la tendit vers toi, dans l’intention de trinquer.

« Allez, cul-sec, mec ! Et celui qui en aura le moins bu ira faire un tour à poil dans la piscine ! Haha ! Bonne idée ! »

Dean prit bien soin de ne relever ni les coups sur l'épaule, surtout venant d'un gros boeuf à viande, ni la légère insulte par la suite, qui ne parvint qu'à faire germer en lui l'idée que 1 : ce parasite devait mourir 2 : il allait mourir 3 : il allait falloir faire preuve de cruauté.

"Ah du rhum blanc, génial !", tâcha-t-il de s'enthousiasmer en sortant la première bouteille. *Voilà qui devrait parfaitement l'affaire pour achever ce soulard.*, ajouta-t-il mentalement.

Dean ouvrit sa bouteille, puis trinqua avec Tony, tout sourire.

"La tradition, c'est de trinquer pour être sûr que c'est pas empoisonné !", expliqua-t-il, ne pouvant s'empêcher d'avoir un lueur malicieuse et malsaine dans le regard en parlant d'empoisonnements.

Puis il but une grande rasade à la bouteille. Le goût sans le chaud (et le rhum, ça ne sent pas grand chose) ni l'ivresse, mais il fallait donner le change. Il ne s'interrompit guère que pour reprendre son souffle, jetant régulièrement des coups d’œil à ce brave Tony, attendant avec une certaine délectation...

*Qu'est-ce qui va lâcher le premier ? Le foie ? Pas le cerveau, il en a pas. Le plus drôle ce serait qu'il se noie dans la piscine tiens. En plus, ça aurait l'air d'un accident...*

Tony parut enjoué à l’idée de se mesurer à Dean. Surtout qu’il était sûr de gagner, avec la constitution bien moins imposante (et grassouillette) que lui. Il avait beau déjà être imbibé comme un tampon encreur, il estimait que le mutant devait l’être aussi. Sans doute. Et avec erreur.

Aussi, c’est avec force conviction qu’il choqua sa bouteille à celle de Dean avant d’engloutir le goulot entre ses lèvres pour laisser se déverser le liquide translucide. Et il tint bon, et longtemps. Il rougissait à mesure que sa glotte montait et descendait, et de la transpiration coulait sur ses tempes. Mais il tenait bon, malgré l’effort visible qu’il se faisait un honneur de garder.

Évidemment, le combat était déséquilibré, et il était plus simple d’avaler ce qui paraissait, pout Dean, comme de l’eau, que le liquide corsé que le gros lard engouffrait sans se soucier d’en faire déborder sur le coin de sa bouche. Sa chemise en était d’ailleurs parsemée.

Et puis, aux trois quarts de la bouteille, il s’arrêta, le regard explosé et fixe. Il cilla, cligna des yeux, puis sans pouvoir se retenir, lâcha une grosse gerbe répugnante sur les chaussures de Dean. Le genre régurgitation due à un surplus d’alcool. Des morceaux de petits fours à moitié digérés parsemaient désormais les pompes du mutant, tout comme la barbe de son auteur distingué.

Puis, le boulet se releva, tituba en arrière en lâchant la bouteille, qui se brisa sur le sol en plusieurs éclats, et tomba fesses contre terre, l’air hagard et gaga. Il tenta d’articuler quelques bribes de phrases :

« Tain toi… toi t’es… t’es un Hips… un cham… champiiion ! Héhé… T’es… t’es… »

Et il arrêta là son discours éloquent, regardant fixement et avec perplexité son propre doigt, qu’il agitait de manière théâtrale devant son visage pour tenter d’expliquer ses propos.

Le concours de pochard allait bon train, et pour le coup, Dean manqua de vomir lui aussi en voyant dans quel état s'étaient retrouvé ses chaussures, et probablement aussi le bas de son pantalon, suite à sa lumineuse idée.

*Génial... Mémo personnel : jeter aussi le bas et les pompes.*, pensa-t-il fugacement en regardant le gros Tony tomber sur son séant.

Pour le coup, la sensation n'était pas agréable pour lui non plus : ingurgiter une telle quantité de liquide aussi vite mettait les meilleurs estomacs à l'épreuve, et le relent d'alcool vomi qui lui montait au nez n'allait pas arranger les choses. Dans tous les cas, des sensations suffisantes pour mimer un état de petite forme, faire quelques pas vacillants, et se vautrer également au sol en essayant de produire un rire de pochard aussi naturel que possible, avant de déclarer.

"Tu sais... L'alcool... C'est ceux qui en mangent... Ceux qui en parlent le plus... Non, le moins... Qui en boivent le moins... Le plus ! Ou bien le contraire...", bégaya-t-il, en une simple tentative de fraterniser avec la victime, pour enjoliver un instant ses dernières heures.

Au temps pour la piscine, il fallait maintenant trouver autre chose. La bouteille d'alcool était claquée par terre, et son contenu vidé, empoisonner tout le punch serait probablement trop voyant, il fallait donc trouver quelque chose d'efficace, songeait Dean tout en regardant Tony benoîtement, comme un ivrogne qui ne sait plus où il en est, même si au final, il phosphorait sur la meilleure façon de l'exécuter.

« Ex…zactement ! »

Il n’avait sans doute pas compris la moitié de ce que Dean venait de dire, mais tenait visiblement à lui affirmer son accord. Son regard torve se posa sur la bouteille brisée, avec un rictus de regret… Avait-il déjà soif ? Quoi qu’il en soit, il se tortilla sur son gros derrière pour dégager sa chemise de sous ses fesses avant de commencer à la déboutonner maladroitement, révélant son torse venu et grassouillet à souhait.

« Allez quand faut y a…hips. Quand faut y aller, faut… hips. Brop… bah faut y aller ! »

Il n’avait visiblement toujours pas récupéré ses facultés langagières. Il peinait à se débarrasser de son habit, parla à Dean sans le regarder.

« J’parie… j’parie qu’t’es pas cap de venhips… de plonger avec mouaaaa… »

Il s’était exprimé sur un ton de défi. Enfin, il avait essayé du moins, tout pitoyable qu’il était. Autour, les regards se détournaient. Le spectacle d’un gars bourré étalé par terre, c’était bien un temps, mais la soirée regorgeait d’autres sources de ragots et de plaisirs divers et variés… à commencer par Brenda, quelque part dans l’une des pièces de sa somptueuse baraque.

Dean afficha un petit sourire triomphal. Bien qu'outrageusement alcoolisé, sa prochaine victime avait encore assez de neurones pour se souvenir où était son unique place : à l'abattoir. Et comme le bon mouton qu'il était, il se tondait lui-même avant de se préparer à son aller simple vers la piscine ! Et en plus, il avait besoin de compagnie...

"On avait parié, t'as perdu, t'y vas tout seul.", rétorqua-t-il froidement. Fallait pas charrier non plus. Même si l'eau de la piscine avait probablement le don de nettoyer ses fringues, on ne pouvait vraisemblablement pas en dire autant de l'infusion constitué par un Tony vomitif.

Et en plus, le public dégageait....

*Parfait... Ça fera moins de témoins, et probablement personne pour lui porter secours au cas où.*

« Oh pfff… »

L’otarie ridicule ne masqua pas sa déception de ne pas pouvoir faire trempette avec Dean, ce soir. Tant bien que mal, il était parvenu à ôter sa chemise, qui gisait désormais au milieu de ses dégueulis biliaires.

Sans se lever, comme un gros morse pataud, il se traîna jusqu’à la piscine pour réaliser le résultat de son pari. Il s’assit sur le bord, et ne sembla même pas remarquer que ses godillots en cuir crotté de terre trempaient dans l’eau froide.

« Bon… quand faut y… aller… »

Et plouf, l’imbécile bourré plongea dans le liquide de la piscine, et remonta à la surface en soufflant l’eau, qui semblait lui avoir mis un sacré coup de fouet. Il cria.

« Ah ! Putain c’est froid ! »

Il barbotait mollement, mains et bras retroussés comme s’il avait voulu imiter une poule d’eau.

De l’autre côté de la piscine, une seule personne semblait réellement se préoccuper de la scène. Une demoiselle plutôt très jolie, avec une chevelure rousse et des yeux clairs. une invitée que Dean ne connaissait pas.

Dean rigola en voyant le petit coté pathétique de la mise à l'eau de ce cher Tony, même si la présence de ses chaussures avait un petit quelque chose de regrettable dans ce tableau idyllique. Pour le coup, il avait presque pitié de ce pauvre gars. Non. Il ne le liquiderait probablement pas ce soir. Enfin... Sauf si bien sûr l'occasion était trop belle.

Et puis il y avait un témoin. Qui était cette nana ? Une fille du quartier ? Une nouvelle ? Difficile à dire. Est-ce qu'elle s'amusait de ça, ou bien est-ce qu'elle surveillait qu'il ne se produise pas de pépins ? Dans tous les cas, tant qu'elle traînait dans le coin, il était hors de question de procéder à une exécution sommaire. Ou alors un double meurtre, mais autant Tony était un parasite sans la moindre classe, autant cette fille... était une illustre inconnue.

Tout à ses sombres pensées, il s'accroupit à proximité du rebord de la piscine

"Et ben... Au moins la piscine t'a réveillé ! Allez, sors de là avant d'attraper la mort", il avait ricané d'un air entendu en parlant de ça "À mon avis, il y a soirée open bar dans la chambre de Brenda !", ajouta-t-il avec un clin d’œil, histoire de se débarrasser de Tony, tout en provoquant, espérait-il, une petite émeute quand une horde de mâles lubriques verraient débarqué un ivrogne gras, poilu, trempé d'eau et imbibé d'alcool dans leurs ébats.

La soirée n'était finalement pas si pourrie que ça.

Tony ne se fit pas prier longtemps pour tenter de se hisser hors de l’eau. Hélas, sa masse à moitié habillée, alourdie par ses gros godillots terreux, et appesantie par tout l’alcool qu’il avait ingurgité, ne facilitait pas vraiment les choses : il avait l’air d’une grosse larve qui tentait de ramper hors de la piscine. Soufflant et peinant à se sortir de l’eau. Mais lorsqu’il leva le regard vers la maison, il retomba tout aussi sec (haha !) dans la flotte, le regard exorbité, et la bouche béante.

Et il y avait de quoi : un violent incendie venait d’être mis à jour, dans la maison de Brenda. Les flammes dépassaient du toit, qui les avait contenues jusque-là. Une épaisse et noire fumée s’échappait de la villa pour s’envoler dans le ciel nocturne. Bref, pas le petit machin, quoi. Et les cris commencèrent à percer. Les enivrés de la soirée se rendaient compte qu’ils étaient pris au piège par les flammes, et qu’ils allaient sans doute griller comme les cochons qu’ils étaient.

« Oh ben merde… »

L’euphorie alcoolémique de Tony semblait s’être totalement évaporée, malgré qu’il garde un air stupide collé sur la face. Et en face, l’inconnue regardait le feu se répandre d’un air grave. Elle ne semblait pas paniquée, ni même envieuse d’appeler les secours. Elle regardait, juste.

Bref instant de solitude alors que Dean regardait la scène, digne des plus grandes heures de vidéo gag, de Tony retombant à la flotte. Toutefois, la cause de cette brusque trempette tenait peut-être en une action préventive face à l'incendie qui régnait dans la maison. Là, pour le coup, c'était sérieux... Il ne s'agissait pas de l'élimination d'un parasite social, mais de ce qui était probablement un massacre en règle d'une cohorte d'écervelés en train de s'adonner à tout ce que les livres sacrés peuvent contenir de pêchés.

*Quoique... Cons comme ils sont, ils sont bien capables d'avoir foutu le feu tout seuls...*, tâcha-t-il de se raisonner, songeant qu'ils l'auraient alors bien mérité, et qu'ils ne pourraient s'en prendre qu'à eux-mêmes.

Et en face, miss cheveux-de-feu contemplait le spectacle avec autant de gravité que si le jugement dernier était en train de se dérouler sous ses yeux.

"Allez, sors de là Tony, parce que ce serait vraiment le comble de ridicule que tu te noies alors qu'ils vont crâmer là-haut", ordonna-t-il.

Vu que la jeune fille était trop fascinée pour faire quoi que ce soit (d'ici à ce que ce soit elle l'incendiaire en plus...) et que de toutes façons, Dean ne se sentait pas l'âme d'un héros, il préféra sortir son téléphone pour appeler les pompiers.

Le téléphone dans les mains de Dean se mit à chauffer. Étrangement, d’ailleurs. C’était la première fois que ça lui arrivait. Il était pourtant assez récent. Le problème, c’est que la chaleur dégagée devint assez rapidement trop chaude pour pouvoir le tenir plus longtemps. Tellement ? Même, qu’il dut le lâcher. Et aussitôt que l’appareil sortit de sa main, il s’enflamma. Voyant ça, le gros Tony sortit le sien de sa poche… détrempé et dégoulinant. Mort, lui aussi.

Et la maison brûlait, brûlait, comme un fétu de paille… Et les cris des victimes se multipliaient à l’intérieur, avec leurs toux. La fumée commençait à leur faire manquer d’air…

Il y avait du mutant là dessous, ou bien il ne s'appelait plus Dean Casely. Qu'une maison prenne feu, c'était con, mais ça arrivait, mais le coup du téléphone, même si certaines légendes urbaines parlaient de téléphones archaïques qui avaient explosé, ou chauffant tellement qu'il faisait sauter des pop-corns... Ce n'était pas normal.

Cela aurait pu ne pas être gênant, nonobstant la destruction d'un moyen de communication fort utile, mais ça l'était un peu plus quand cela était le fruit d'un mutant, et donc logiquement fait dans l'objectif de l'empêcher d'appeler des secours. Quant à Tony, outre son inutilité crasse, sa récente baignade avait détruit son téléphone aussi. Et il ne faisait à peu près aucun doute sur le fait qu'eut-il été fonctionnel, aurait-il subi le même sort que le sien.

Le calme et la fascination de la jeune rousse ne laissait toutefois que peu de doute sur son rôle dans toute cette chaude histoire, et ce fut donc vers elle que Dean se décida de porter ses premières investigations. Quant aux pompiers, les voisins ne manqueraient probablement pas de signaler l'incendie...

Dean s'approcha donc de la jeune et mystérieuse inconnue.
"Je suppose que le spectacle d'une bande de jeunes écervelés en train de rôtir comme des cochons marinés à la vodka a un petit quelque chose de divertissant. Ou bien dois-je dire de réjouissant ?", demanda-t-il en guise d'introduction, simple commentaire vaguement ironique, pouvant aussi bien être interprété comme une accusation, que comme une interrogationface au calme olympien d'une jeune femme devant pareil incendie.

Troublée dans sa contemplation des flammes, la demoiselle parut un instant perturbée. Elle cligna quelques fois des yeux en portant son attention sur le mutant qui lui parlait.

« Pardon ? »

Elle parut un instant perplexe quant aux propos de Dean, et son air interrogatif laissa bientôt place à un soupçon de désinvolture, rehaussé d’une minime pointe de nervosité. Un cocktail pour le moins étrange…

« La seule chose dont je me réjouis est de ne pas être enfermée avec eux. »

Elle fixa la loutre marine dans la piscine, qui n’en sortait toujours pas, barbotant dans l’eau sans arriver à s’en hisser, puis regarda à nouveau fixement Dean. Elle pencha la tête sur le côté, perplexe.

« Dean ? Dean Casely ? »

Le connaissait-elle donc ? Il semblait pourtant à Dean de n’avoir jamais vu cette jeune femme. Et pour cause, il ne la connaissait pas. Plus, plus exactement. Car à bien y réfléchir, il avait, il y a longtemps, côtoyé de loin une rouquine. Le type rejetée de la classe, à l’école, lorsqu’il était encore jeune enfant. April, qu’elle se nommait. Ou Mary ? June ? Bref, son surnom de l’époque, c’était surtout ‘sorcière’, rapport à ses cheveux roux… Elle avait fini par déménager sans demander son reste. Sans doute était-ce elle. Mais elle avait bien changé, si c’était le cas.

Et les pompiers ne pointaient toujours pas leur nez. l faut dire, tout le quartier avait été invité à la soirée. Et ceux qui n'étaient pas venus s'étaient sûrement fait la malle ailleur, en prévision des nuisances sonores dûes à une fête de cette ampleur.

Les cris ne tarissaient pas, et la maison craquait sinistrement sous le poids des flammes et de la fumée.

Tout ceci n'était pas très concluant. Mis à part bien sûr le fait qu'elle n'était pas en train de faire une crise d'hystérie, de panique, de larmes, d'arrachage de cheveux face à la perspective d'une soirée beuverie virant à la rôtisserie à ciel ouvert. Ceci étant, Dean non plus. Non que cela ne l'affectât point, mais plutôt qu'il avait développé une sorte de fatalité. Il ne pouvait pas appeler les secours, il ne pouvait pas foncer tête baissée dans le brasier -et n'en avait de toutes façons pas l'envie-.

Ceci étant, de façon surprenante, cette jeune femme connaissait son identité. Un vague souvenir l'étreignait. C'était une situation assez déplaisant, d'avoir quelqu'un qui le connaissait, mais dont il n'avait pas le souvenir de l'identité, mis à part quelques sordides détails potaches.

"Ouais... C'est bien moi. Bon. C'est pas que j'ai pas envie de jouer la scène des retrouvailles emplies d'émotions, mais je te rappelle qu'il y a une bande de jeunes trous du cul qui sont en train de se faire griller les miches à quelques mètres de nous. Donc à la limite, si tu voulais appeler les pompiers, ce serait absolument super pour ton karma."

Il arbora un sourire narquois, puis ajouta, sur un ton empli d'ironie.

"Non parce que figure toi que mon super portable dernier cri a pris feu aussi mystérieusement que cette baraque, ce qui ne peut être que l’œuvre d'une mystérieuse et terrifiante mutante. Je dis mutante, parce que Tony est trop con pour être un mutant, et que ce n'est pas moi qui ai foutu le feu. Et puis ça me botte que ce soit une fille. Ça change un peu que ce soient les filles, les méchantes."

Avec cette même anxieuse désinvolture, la belle répondit à Dean aussitôt :

« C’est une accusation ? Pourquoi je serais encore là, si j’avais mis le feu à la baraque, et à ton téléphone ? Pourquoi ne pas envisager un type planqué dans les buissons du jardin ? »

Elle indiqua partout autour d’elle les plantations du jardin.

« Et puis pourquoi accuser un mutant, tout de suite ? Ton téléphone, c’est peut-être juste de la daube ! Comme cette fête, et les crétins qui y crament. »

Son ton allait crescendo.

« Fasciste ! J’vais te dire, je suis une mutante, ouais. Et je contrôle le feu. Je pourrais virer toutes les flammes de cette baraque facilement, si j’crevais pas de trouille qu’on m’accuse d’avoir allumé le feu par après. Des gars dans ton genre, qui crachent sur les mutants en les traitant de monstres. »

Sa rancœur était vive, et tout aussi vive était sa colère. À mesure qu’elle parlait, son regard s’allumait d’une lueur flamboyante…

Dans la piscine, le morse était bouche bée devant la démonstration de haine de la rouquine. Il végétait dans l’eau en la regardant, pantois.

Bingo.
En même temps, ce n'était évidemment pas trop dur à deviner.

Sa colère était touchante. Une mutante, bien évidemment, qui avait la haine contre lui, contre eux, contre le monde, cruel et fourbe, qui l'avait probablement tant fait souffrir. Il apparaissait néanmoins peu plausible que sa couleur de cheveux soit la seule origine de ses souffrances.

Dean laissa sagement passer l'orage, lui accordant un simple regard bovin, doublé d'une vague jubilation intérieure. Les crises d'hystérie féminine avaient toujours eu cet effet sur lui.

Et puis il lui devait quand même le respect. Elle faisait crâmer une génération entière de décérébrés, quand lui avait pour l'essentiel uniquement jeté son dévolu sur des chats et des chiens. Certes, il avait songé à trucider la bonne, mais celle-ci avait son utilité. Et ça se serait sans doute un peu vu.

"Si tu veux mon avis, tu restes là juste parce que c'est un spectacle absolument fascinant. Une clique de bons à rien, se vautrant continuellement dans l'oisiveté, la came, le cul, et s'estimant meilleurs que le reste de l'humanité, parce que maman est milliardaire, papa est magnat des médias, ou papy est sénateur."

Il poussa un soupir qu'il prit bien soin de ne pas empoisonner.

"Alors qu'au final, ils craquent une allumette ? Ou bien juste quelqu'un de supérieur passe par là, et en une seule pensée. En un claquement de doigts", il claqua des doigts, "Il réduit tout cela en cendres. Leur vacuité existentielle, et leurs douces illusions de pouvoir.

Il eut à nouveau un sourire narquois. Pour le coup, il avait voulu faire de la psychologie à deux balles, mais il arrivait presque à se convaincre. Se convaincre de donner le coup de grâce au gras ?

La jeune femme hésita un instant après les propos de Dean. Elle marqua une pause, et un bref mouvement de recul, avant de froncer à nouveau les sourcils. Son ton s’était accalmi, mais tremblait toujours de colère.

« Et qu’en sais-tu, toi ? Tu es comme eux, tu es eux. Un humain. »

Elle eut une moue écœurée. Elle ne semblait pas munie d’un esprit déductif particulièrement prononcé sur ta personnalité. À moins que ce ne fût la rage qui l’aveuglait.

« Et en plus, un humain glauque, qui trouve de la réjouissance à voir crever les siens… »

Elle soupira avec lassitude.

« J’vois même pas pourquoi j’te parle, tu dois être aussi imbibé qu’eux… »

Elle désigna comme exemple le marshmallow flottant dans la piscine, qui opina du chef avec vivacité, trop heureux d’être pris à parti.

Derrière, un craquement sinistre se fit entendre : la toiture venait de s’effondrer, les poutres de la charpente n’avaient pas tenu bien longtemps… Et les chances de retrouver des survivants venaient de s’amoindrir un sacré coup. Au loin, les sirènes des pompiers et policiers retentissaient enfin. Une âme charitable qui, voyant le brasier de loin, avait cru bon d’appeler les secours, sans doute. La rouquine parut apeurée et encore plus nerveuse… à fleur de peau. Elle jeta un coup d’œil rapide autour d’elle, comme pour chercher une issue…

Dean soupira. La godiche n'avait toujours pas capté...

"Ouais c'est ça. Je suis un humain ouais. Je vais te dire une bonne chose : la différence entre toi et moi, c'est que moi, quand je liquide une clique de jeunes cons, on peut réutiliser leur baraque ensuite. Et t'inquiète pas pour l'alcool. Ca fait bien longtemps que je n'en sens plus les effets. Maintenant, la mutante donneuse de leçons qui ne veut même pas jouer les héroïnes... Timidité ? Ou esprit trop revanchard ?"

Il s'interrompit en entendant les sirènes, au loin. Pas trop tôt. Comme d'habitude, la cavalerie arrivait après la bataille, et il n'y avait très probablement plus rien à tirer des décombres. Mieux valait toutefois ne pas s'attarder, histoire d'esquiver les questions trop gênantes.

"Bon, je pense que le moment est venu maintenant de rentrer chez soi. C'est pas que je m'emmerde, mais cette soirée craint vraiment. On s'appelle on se fait une bouffe hein."

Et sur ces bonnes paroles, Dean se dirigea vers la sortie discrète la plus proche, dans le louable but de rentrer chez lui.

Et la demoiselle ne le poursuivit pas, préférant s’en aller de son côté pour résister, peut-être, à l’envie de cramer la tête d’un nouveau jeune prétentieux. Dean rentra chez lui paisiblement, et passa une nuit ‘reposante’, hantée par les images cauchemardesques de corps en train de se calciner. Le lendemain, à son réveil, tout le quartier avait une odeur de vieille cendre. Le feu était éteint et… on sonna à sa porte.

Une voiture de policiers était garée devant la maison.

La nuit n'avait pas été spécialement agréable pour Dean. Comme toujours après les soirées nazes qui perturbent l'horloge biologique. Après, bien sûr, il y avait eu ce regrettable incendie, ainsi que tous ces morts. Une bagatelle. Un détail de l'Histoire !

Ça sonnait à la porte... Et il y avait la police. La bonne ouvrirait sûrement. Ou bien ses parents. Ou bien quelqu'un. Lui avait plutôt décidé de prendre une apparence humaine en se débarbouillant le visage, et en s'habillant de façon convenable.

Si la police était là, c'est que quelqu'un avait balancé. Le gros Tony ? Il aurait mieux fallu le liquider hier quand il en avait l'occasion. Ou bien était-ce cette fille ? Quel était son nom déjà ? Marge ? April ? May ? June ? Julie ? Un truc dans le genre là. Il lui faudrait fouiller dans les yearbooks pour retrouver l'identité de cette sympathique mutante pyromane et légèrement dingue.

Dans le fond, c'est sûr qu'avoir autant de morts sur la conscience, c'était assez désagréable.

*Quoique dans le fond... J'aurais rien pu faire, mon portable a grillé, et j'y aurais probablement laissé ma peau. Au moins, je suis en vie*, tâcha-t-il de se raisonner comme pour se dédouaner.

*Dans le fond, c'est un peu leur faute aussi... Quand on est con et inutile comme ça, forcément, on finit par disparaître. C'est l'évolution normale des choses. Et s'il n'y avait pas autant d'anti-mutants, ou cette Confédération Américaine de péquenauds avec du purin entre les oreilles, les mutants auraient moins envie de faire des massacres. Ils ne peuvent s'en prendre qu'à eux-mêmes.*

Tout à sa réflexion, il tendit l'oreille : la police était-elle encore là ? Parce que si elle en avait après lui, il valait mieux tout de suite élaborer un plan pour s'en débarrasser. Et faire ensuite payer quiconque l'avait balancé.

La mère de Dean alla ouvrir la porte… La bonne était sans doute en train de récurer le dégobillage de Tony des chaussures du mutant. Et n’était donc pas présentable pour recevoir des visiteurs. Il se passa un court instant entre le moment où elle ouvrit la porte, et où sa voix retentit dans la maison :

« Dean ? C’est pour toi ! »

La police venait lui rendre une petite visite.

Et voilà, ça n'avait pas loupé, c'était pour sa pomme. Il allait vraiment falloir faire quelque chose pour lutter contre la bêtise humaine à Beverly Hills. À défaut de transformer les imbéciles en sandwichs, il allait probablement devoir user de ses talents naturels. Et ensuite le monde.

Mais pour l'instant, c'était la police. Dean s'imaginait d'ici la scène. Un ou deux policiers, parangons de laideurs, de doughnuts et de bière, imbus de leur personne et de leurs pouvoirs, infusés d'une profonde mesquinerie à la mesure de leur matraque, inversement proportionnelle à celle de leurs attributs virils. Ou bien ça allait être des femmes à la libido déficitaire, tentant d'assouvir leurs penchants sadiques par le biais d'une profession.

Tout à ses pensées, il tâcha de se faire un masque fatigué, ce qui n'était pas forcément trop dur, et rejoignit l'entrée pour saluer ces impromptus visiteurs.

"Bonjour, je suis Dean Casely. Que puis-je faire pour vous ?"