[28/05/2112 - Salem Center / Etat de New-York] Enquête sur la destruction de l'Institut

Peu avant l'heure prévue, Bozy descendit du monorail et alla s'asseoir sur le muret le plus proche de la station. Comme convenu, elle avait revêtu sa veste en sky rouge de manière à faciliter son identification par les éventuels volontaires du réseau Ganymède.

Elle observa un peu le paysage, avant d'enfourner une sucette dans sa bouche et de brancher ses écouteurs. Un peu de musique pour attiser sa nervosité, comme pour rajouter une piste à la bande son de sa nouvelle existence...

Elly avait répondu présente pour aider à fouiller les décombres de l'Institut. Ce retour aux sources seraient une manière pour elle de tourner la page une bonne fois pour toute et d'avancer dans le futur plus sereinement.
Alors, la jeune femme avait pris le monorail, une description en tête assez vague de l'organisatrice de ce projet, et descendit à l'arrêt prévu.

Cherchant du regard, la blondinette aperçut bientôt la veste en sky rouge et sa propriétaire. Elle l'accosta :

- Hey, je m'appelle Elly, c'est bien toi qui organise ce retour à l'ancien Institut non?

La jeune femme roula une cigarette à l'ancienne: feuille, tabac et filtre. La cigarette, elle avait repris depuis son départ de l'ancien Institut Xavier. Ca avait été une manière pour elle de décompresser et d'oublier, au début. Mais ensuite, c'est devenu une sorte de tranquillisant, quelque chose qui l'apaisait. Et revenir sur les lieux de son ancienne vie avait quelque chose de stressant, qui l'empoignait à l'estomac.

La blondinette alluma la cigarette et en tira une bouffée, faisant bien attention à ne pas diriger la fumée vers Bozy. Elle n'avait pas à subir le tabagisme d'Elly.

Le visage de Bozy s'éclaircit. Elle retira ses écouteurs et sa sucette et lança :

"Ouais, c'est ça. Moi c'est Bozy. Je suis nouvelle dans le réseau et..."

S'aidant de ses mains, elle quitta son perchoir et redescendit les deux pieds sur terre.

"On m'a chargée d'aller enquêter sur la destruction de l'Institut. Voilà tout... Alors je pensais faire un petit tour sur place et aller toquer aux portes pour voir s'il y avait encore des habitants de l'époque... Fastoche, non ?"

Elle se passa la main dans les cheveux et ajouta :

"J'sais pas trop si on doit attendre d'autres membres. C'est pas l'affaire du siècle mais bon... Ça serait bête de partir en laissant des collègues sur le carreau"

L'air de rien, elle recolla la sucette dans la bouche avant de terminer :

"Simple curiosité, pourquoi t'es venue ? Moi on me l'a demandé, pis je suis journaliste... Vider les poubelles pour les fouiller, je connais. Mais toi ?"

Bozy, une sucette, Elly, une clope. A chacun son addiction, même si la sucette était tout de même moins dangereuse pour la santé. Sa nouvelle coéquipière se présenta donc, et expliqua l'objet de cette mission. Elle était donc journaliste. Elly ne put s'empêcher de penser intérieurement que c'était quand même la classe d'avoir un tel job.

Quant aux motivations de la blondinette, cette dernière ne tarda pas à en faire part, puisque Bozy le lui demandait.
La jeune femme tira une nouvelle bouffée de sa cigarette, comme pour se donner du courage et répondit :

- J'habitais là-bas, il fut un temps. Oh je ne suis pas restée bien longtemps par rapport à d'autres. Mais ces mois ont été magique. J'avais une vie de merde avant et là, c'était comme passer de l'ombre à la lumière. Mais, tout s'est fini et nous virer comme des malpropres, par un gouvernement qui a visiblement oublié tout ce que l'Institut avait fait pour lui... Enfin bref, être viré de la sorte m'a blessé et quitter toutes les personnes formidables que j'avais rencontré... J'ai décidé de renoncer à mon pouvoir, jusqu'à un incident et une nouvelle rencontre. Alors venir ici, à Salem, c'est comme une sorte de recueillement, et un moyen de tourner définitivement la page pour mieux avancer. C'est con mais j'ai besoin de ça.

Elly passa une main dans sa longue chevelure et la jeta en arrière. C'était bizarre de se dévoiler autant à une inconnue, mais ça faisait du bien. La blondinette tira une autre bouffée de sa cigarette, et ajouta :

- Bon, pour les autres membres de l'expédition, on peut les attendre 10 minutes mais après on commencera sans eux. Les anciens de l'Institut sauront où nous trouver je pense. Pour les autres, ben tant pis. On ne peut pas les attendre indéfiniment.

La jeune femme s'adossa au muret, et fit tomber la cendre au bout de son roulé. Cette mission allait être tranquille, une enquête auprès des habitants, plutôt cool. Et puis dans la médiation, elle n'était pas trop une tarte.

"C'est un truc que je peux comprendre" lança Bozy tout en mâchonnant sa sucette. "Moi, j'ai vécu une bonne partie de ma vie à Madagascar, pas loin de Génosha. On est parti quand la République Mutante est née. Mes parents pensaient bien que ça allait causer pas mal de problèmes alors j'ai quitté mon pays..."

Elle baissa les yeux et poursuivit :

"Et même si j'adore ma vie ici, j'ai quand même un petit pincement au cœur en pensant à l'endroit où je suis née. J'avais rien demandé et j'ai du faire mes bagages. Alors, si je pouvais avoir l'occasion d'y retourner, ne serait-ce qu'un instant, je la saisirai au vol..."

Bozy sourit en regardant sa montre.

"OK, pour les 10 minutes. Pis bon, si on fait équipe c'est pas plus mal. D'expérience, les gens préfèrent répondre à deux petites nénéttes qu'à une armée de gugus..."

Elle fit quelques en rond, histoire de se dégourdir les jambes.

"T'es de New York sinon ? Et t'es nouvelle dans le réseau ? Tu as rencontré les autres ?"

Elly comprenait Bozy. Finalement, leur histoire était ressemblante, presque commune à tous les mutants. Un jour, ils avaient été obligés de quitter leur chez soi, parce que les autres avaient eu peur d'eux ou qu'ils en avaient été chassés. La blondinette était attristée pour sa nouvelle coéquipière.

- Je te comprends. Tous ces extrémistes qui veulent la primauté de tel ou tel individu, ça n'est qu'une bataille sans fin... Peut-être que tu y retourneras, un instant peut-être, le temps d'une mission... Qui c'est. Mais pour sur, ce genre d'évènements change une vie du tout au tout. Juste un truc, tu étais en république mutante, donc ils t'auraient volontiers accepté non? Tes parents craignaient peut-être pour leur vie, et pour ce qu'ils pouvaient faire de toi, ces extrémiste, non?

Elly tira une nouvelle bouffée de sa cigarette et en fit une nouvelle fois tomber les cendres. La jeune femme sourit amusée par la réplique du "petites nénettes", et pour détendre l'atmosphère, renchérit :

- Oui, et puis nous pourrons toujours battre des cils et faire nos plus beaux sourires pour extorquer des informations.

La jeune femme continua, après une nouvelle bouffée de cigarette :

- Je n'habitais pas à New York, je suis de Los Angeles. Et sinon, oui je suis nouvelle à Ganymède, mais des connaissances nous ont rejoint, en même temps. Tu sais, il y a eu une arrivée massif de nouveaux et parmi eux, des membres de l'ancien Institut, sur lequel on va enquêter. Mais, ils ont visiblement mieux tourné la page que moi.

Elly finit son roulé, le jeta ensuite sur le bitume, et l'écrasa de sa buggy bleu et blanche.

"Salut les filles !"

Invité inattendu de leur petite enquête, Markus les rejoignit en quelques pas.

"J'ai mis Anjali, Ava, Elisabeth, Grégoire et Jason dans l'avion pour Tokyo tout à l'heure. Michael et Jeremiah m'ont dit qu'ils allaient rendre visite à Georgia. Un de mes contacts, Dieter, m'a dit qu'il était intéressé par les fouilles de l'ancien Institut. Il vous retrouvera sur place."

Alors qu'il parlait, une dame rose et replette promenant un chien enrubanné lui passa à travers, regardant Elly et Bozy comme si elles étaient sottes, puis continua son chemin, pas perturbée pour deux sous de son entrevue de près avec Markus.

"Les gens sont vraiment mal élevés... Bon. Je vous laisse à vos investigations. Je repasserai pour voir si tout va bien. Bonne journée !"

Puis il se volatilisa.

"Bah, Madagascar c'est pas Génosha non plus..." répliqua Bozy en souriant. "Juste que c'est un peu trop près... Et mes vieux avaient pas envie qu'on soit là au milieu, quand ça finirait par péter..."

Les yeux de Bozy partirent dans le vague.

"... et ça a quand même grave pété là bas. Faut croire que mes vieux ont eu un sacré flair en pliant bagages. Sans compter que j'imagine bien qu'il voulait pour moi une existence de nana normale. Je m'en suis presque convaincue pendant un moment... Et il y a même des moments où je me demande ce que je fous là..."

La jeune malgache tendit l'oreille quand Elly parla de l'Institut, des anciens, de la directrice, de tout cela...

"Ça avait l'air sympa vu comme t'en parles. Pas trop stressée à l'idée d'aller vider quelques poubelles ? Hein ?"

Elle se figea en voyant Markus apparaître. Bozy l'avait reconnu : elle lisait les journaux comme tout le monde mais...

... quand la dame au chienchien le traversa, elle dut faire une tête incroyable. Après tout, ce n'est pas parce qu'on sait que quelque chose est possible ou existe qu'on peut facilement se dispenser d'être surprise quand cela se réalise. Bienvenue dans l'ère des miracles !

Bozy attendit que la dame ne soit plus à portée d'oreilles puis lança :

"Tu le connais ce Dieter ? Bon, en tout cas on va peut être accélérer le pas..."

Et elle fit signe à sa coéquipière de la suivre... Direction un bien mystérieux champ de ruines !

L'apparition du fantôme de Markus eût à peu près le même effet que Bozy, sur Elly. La jeune femme faillit avertir la dame en rose de faire attention, mais quand elle traversa le fondateur de Ganymède, elle retint un cri et mit ses deux mains sur sa bouche, ses yeux devenant aussi grand que des soucoupes.

Ah oui, pour sur, vu les têtes des deux filles, la grosse dame avait eu raison de faire une telle moue.
C'était donc ça le pouvoir de leur patron, une sorte de projection de lui-même.

Et après ce passage émotionnel, les choses sérieuses pouvaient commencer. Un certain Dieter allait donc les rejoindre, et Elly secoua les épaules, en réponse à la question de sa coéquipîère :

- Dieter, ça ne me dit vraiment rien. Il nous rejoindra de toute façon. Monsieur Wiseman lui aura surement indiqué précisément les lieux.

La blondinette suivit Bozy, tout en lui continuant à causer. C'était plutôt cool des recherches tout en papotant. Mais bon, dans quelques minutes il lui faudrait être efficace. C'était tout de même une mission :

- Bon, ça va être quand même la première fois que je vais farfouiller dans des poubelles et prospecter auprès des habitants, mais bon. Ca ne doit pas être sorcier.

La jeune femme mit ses mains derrière la tête et fit craquer son dos :

- Mmmpfff. L'institut, c'était vraiment sympa ouais, et je me rappelle que la première fois que j'y ai mis les pieds, eh ben moi aussi, je ne me sentais pas "mutante". Enfin voilà, je me demandais comme toi ce que j'y foutais. Et puis, petit à petit, on apprend à faire avec son pouvoir et on comprend que ce don, c'est un peu un cadeau du ciel, sans faire ma religieuse. Alors, on se sent investi d'une mission. Tu verras, tu t'y feras. Tu commenceras à trouver ta voie et à te sentir en accord avec ton pouvoir, enfin si ce n'est pas déjà le cas.

Elly mit mes mains dans les poches de son slim en jean et regarda autour d'elle.

- On ne sait même pas quelle tête il a ce Dieter.

Le chemin depuis la station de monorail vers l'Institut avait quelque chose de vaguement familier pour Elly. Le parc était bien sûr toujours là, verdoyant, et uniquement perturbé par les cris des promeneurs. Le salon de thé Chez Valérie avait fermé. Un sushi-bar avait ouvert à la place, avec nettement moins de cachet...

Se repérer dans les rues était toutefois presque machinal, mais c'est avec un certain pincement au cœur qu'Elly put constater que la bâtisse qu'elle avait quitté encore debout n'apparaissait plus à l'horizon quand on abordait la Greymalkin Lane. À la place de cela, il y avait... Le ciel. Et de hautes palissades de bois qui, quoique légèrement vermoulues, et sévèrement taguées, avaient l'air d'être assez entretenues, vu qu'il n'y avait pas de trace de lames retirées, ou de trous qui auraient permis à quelque voyou de faire des ruines de l'Institut Xavier son terrain de jeu.

Et adossé à cette palissade, il y avait un jeune homme brun et suffisamment bien fait de sa personne pour que son look général ne laisse aucun doute à Bozy et Elly : il s'agissait de Dieter.


Lui, par contre, n'avait pas spécialement eu de doutes, et était venu voir Bozy et Elly directement.

"Salut ! Moi c'est Dieter. Markus m'a dit que vous vouliez creuser la question de l'Institut ? Ça me branche bien comme plan. Surtout que c'est mon truc de creuser.
Sinon, il m'a aussi dit que vous vouliez interroger des voisins, et ça c'est un peu moins mon truc... Donc à la limite, si vous voulez faire ça, moi je vais me boire un café, et puis on se retrouvera plus tard."

"Mouais, entrer dans les ordres ça me botte moyen..." répliqua Bozy, la mine un petit peu pensive.

Après tout, elle ne se sentait pas investie d'une mission. Elle était là, à s'approcher du lieu où tout avait sauté. Pour chercher, trouver et puis témoigner d'un passé révolu. Mais la grandeur de sa tâche lui échappait quelque peu... Au fond, journaliste, pour elle, c'était pas une mission d'information du public. Non. C'était le truc qui faisait qu'elle se sentait vivante...

"Moi ma came, c'est tout voir et tout savoir. Pas pour les autres. Pas pour le monde. Pour moi-même. Si je suis là avec toi, c'est parce que j'en ai eu l'occasion, voilà tout. Je veux pas crever avant d'avoir vécu..." lança la jeune femme avec un sourire radieux.

Apercevant le type baraqué contre la palissade, Bozy s'approcha de lui et se présenta :

"OK, Dieter. Moi c'est Bozy et elle Elly. Sympa d'être venu. On va jeter un petit œil d'abord, je pense... Pis on entrera dans la gueule de la bête avec toi..."

Elle lui fit un signe de la main et se dirigea vers la maison la plus proche pour y toquer... Les voisins de l'époque... Peut-être qu'eux pourraient témoigner.

Elly sourit à la remarque de sa coéquipière. Elle était pleine de vie et faire cette mission ensemble serait très agréable au final. Enfin, tout aurait été pour le mieux si les lieux étaient inconnu de la jeune femme, ce qui n'était pas le cas.

Tout avait tellement changé, et d'une certaine manière, la blonde n'avait pas voulu croire en la destruction de l'ancien Institut. Mais devant le fait accompli, son coeur sera et Elly commença à jouer avec une mèche de cheveux, tout en se mordant les lèvres. La vue des débris de l'Institut était très dur, surtout lorsque des images du passé refirent surface. La jeune femme n'affichait plus du tout un air décontracté, au contraire. Ses yeux étaient humides, mais elle ne pleura pas.

Dieter se pointa enfin, tout en muscle et en "beau gossittude". La blondinette se souvint de Charles, lui aussi Ganymédien, et beau gosse. Etrange...

Le nouveau ne participerait pas au colportage d'information et se retira presque aussitôt après les présentations.

Elly suivit la brunette à la maison la plus proche, et cette dernière y toqua à la porte. La blondinette, quant à elle, essaya de garder une certaine contenance et se concentra sur la collecte des informations, essayant d'oublier le terrain vague que formait désormais l'ancien Institut.

- Bonjour, excusez nous de vous déranger, nous aimerions vous poser une ou deux petites questions à propos de l'ancien Institut Xavier, qui a été détruit. Nous aimerions savoir si vous étiez là le jour où il a été détruit et si vous savez ce qu'il s'est passé. Ca ne vous prendra que deux petites minutes.

Dieter leva le pouce, puis acquiesça :

"Ça marche. Je vais m'installer pas trop loin, je vous retrouverai ici. Au pire, sonnez moi sur le net. Uranus."

Puis il s'en fut en quête d'un endroit chaud et caféïné, laissant Bozy et Elly mener leur petite enquête.

Ouvrant la porte, une vieille dame hispanique les regarda en posant sur elles un sourcil soupçonneux, qui se fronça d'autant plus en entendant parler de l'institut...

"C'te maudit jour ? Non, j'étais pas là, mais Yolanda y était... Ma sœur. Entrez."

La maison où habitait Yolanda, et leur hôtesse était une petite maison victorienne ancienne, pleine de boiseries hors d'âge. En haut d'un escalier grinçant, une porte donnait sur une chambre médicalisée où se trouvait une personne trop vieille et trop maigre...

"Cancer... Phase terminale. Ça a été diagnostiqué deux semaines après la destruction de l'Institut, mais personne à part la Sentinelle ne nous a cru quand on a dit que c'était pas une coïncidence. Vous bossez pour eux ?"

Bozy avait bien fait attention à s'essuyer consciencieusement les pieds avant d'entrer dans la maison. Et puis, elle avait rangé la sucette à moitié mâchonnée dans sa poche. Elles étaient en mission chez de vieilles personnes. Déjà que leur look avait peut-être de quoi choquer le bourgeois, il était inutile d'en rajouter.

Arrivée au seuil de la chambre de la malade, la jeune malgache fut pris d'un effroi teinté de respect. Ainsi c'était donc ça l'odeur et la vision de la mort ? Non pas de la mort mutante mais de celle à laquelle tout le monde était exposé, jeunes comme vieux, humains comme mutants...

Elle avala péniblement sa salive et reportant son attention sur la sœur de la mourante lança :

"Oui, nous travaillons pour la Sentinelle. Et nous aimerions développer ce sujet pour pouvoir informer le public. C'est abominable ce qui arrive à votre sœur et il est encore plus insupportable que les responsables de cette terrible maladie ne soient pas dénoncés et punis..."

Elle marqua une pause puis termina sure d'elle-même :

"Nous souhaiterions poser quelques questions à Yolanda, si cela ne la fatigue pas trop. Par ailleurs, de manière à fortifier notre enquête, sauriez-vous si d'autres personnes du quartier ont développé des pathologies similaires ?"

La surprise fut grande pour Elly qui n'avait jamais vu une personne en phase terminale d'un cancer. Ça n'était vraiment pas beau à voir mais la jeune femme s'empêcha toute expression faciale désobligeante pour sa soeur, même si au fond d'elle-même, elle n'en pensait pas moins. Tournant son regard vers sa comparse, elle remarqua qu'elle aussi n'était pas très bien.

La blondinette détourna finalement ses yeux de Yolanda, sa vue l'effrayant. L'ambiance de la chambre médicalisée la mettait mal à l'aise. Elle n'en était pas moins désolée que telle maladie lui ait poussé dans le corps, néanmoins, la jeune femme se concentra sur ce que disait Bozy, afin de penser à autre chose un court instant.

* Pourvu que l'interview se passe rapidement, et soit fructueux...*

Elly ne tiqua pas sur le fait qu'elles travaillaient désormais pour la Sentinelle, même si elle n'aimait pas trop le torchon que c'était. Et puis, se présenter en tant que mutante n'aurait surement pas mis les gens en confiance. En trois ans, les mentalités n'avaient pas tellement évolué.

Pour ce qui était du cancer coïncidant avec le jour de la destruction de l'Institut, la blondinette haussa un sourcil et ajouta à la suite de Bozy :

- Est-ce que des examens ont été effectués sur place pour savoir notamment s'il y avait des radiations nocives tout autour des dégâts? Est-ce qu'il y a eu des visites anormales sur les décombres?

Il était possible que les autorités leur aient cachés certaines choses concernant l'écroulement soudain de l'Institut. Peut-être devraient-ils ramener un compteur geiger pour s'assurer de la salubrité des lieux.

L'hôtesse secoua la tête face aux questions de Bozy et Elly.

"Non non... Allez-y. Il faut qu'elle témoigne pour que tout le monde sache ce qui s'est passé. On a pas eu d'examens, rien. Je l'ai rejointe quand son cancer a été diagnostiqué, et on ne nous a rien dit. Les palissades étaient déjà là. Mais on pouvait voir des engins de chantier. Je ne sais pas ce qu'ils ont fait derrière... Il y avait du bruit surtout la nuit. On en a pas trop parlé entre nous... Mais pas mal de gens du quartier ont déménagé, même ceux qui habitaient loin. Et vous savez quoi ? Leurs maisons sont désertes."

Puis, une voix éraillée mais encore puissante émergea du lit.

"Rosa ? Avec qui tu causes ?
- C'est des journalistes de la Sentinelle, ils continuent l'enquête."
- Venez alors... Je vais vous dire moi ce qui s'est passé. C'était le neuf juin. Je m'en souviens. Il faisait beau, après une bonne semaine de temps pourri et pluvieux. J'étais ressortie parce qu'Ignace..."
- Ignace, c'était son chien..., précisa Rosa au passage
- Et donc on était allé se promener, et comme il faisait bon, on a fait une grande balade. Je n'étais pas fatiguée de toutes façons. Et j'aimais bien faire le tour de l'Institut, parce qu'il y avait un grand parc, et qu'on pouvait y trouver des framboises. Et donc ce soir là, j'ai trouvé que c'était bizarre, parce qu'on ne voyait plus toutes les installations militaires. Je me suis dit bon débarras. Et puis là, ça a été la lumière comme en plein jour, il a fait une chaleur épouvantable, et avant que je comprenne ce qui m'arrive, j'étais les quatre fers en l'air sur le trottoir."

Elle s'arrêta un instant, comme pour récupérer après l'effort que représentait ce récit, puis ajouta cette précision essentielle :

"Et mon pauvre Ignace avait disparu. Je ne l'ai jamais revu. En tout cas, j'ai compris qu'il s'était passé quelque chose de grave, et je suis vite rentrée pour appeler la police, et ils m'ont dit de rester chez moi, et de fermer mes volets."

Elle continua à marmonner "Rentrer chez moi et fermer mes volets...".

Rosa fit une moue dépitée. Elle avait du entendre ce récit un bon millier de fois.

La main de Bozy se figea sur son fidèle carnet, le stylo tenu quelques centimètres au dessus du papier... Le récite de la vieille dame était effrayant. Mais ils avaient utilisé quoi ?

Elle maudit intérieurement toute la caste des journalistes... Tous à l'exception des gars de ce torchon misérable qu'était la Sentinelle qui pour une fois avait su écouter la détresse des petites gens.

La jeune malgache prit une grande inspiration et demanda :

"Vous dites que les maisons ont été désertées. Quelqu'un les a racheté ou c'est juste que plus personne ne veut habiter ici ? Et vous-même, vous a-t-on fait des propositions de rachat de votre demeure, Madame ?"

Elle jeta un œil à Elly, lui sourit timidement, puis reprit à l'attention de Rosa :

"Vous rappelez-vous les noms des personnes qui travaillaient pour la Sentinelle ? Je suis tombée au journal sur leurs notes et c'est pour ça que j'ai eu envie de rouvrir l'enquête. Mais, personne n'a été fichu de me donner leurs noms..."

Elly nota dans sa tête qui leur faudrait interroger les policiers de l'époque. Soit ils avaient demandé à la vieille dame de rester chez elle sachant ce qu'il se passait, soit ils étaient intervenu et se cloîtrer chez soi était tout bonnement un signe de sécurité.

Regardant sa coéquipière, elle remarque que celle-ci prenait des notes, et lui sourit. Heureusement que Bozy était plus professionnelle que la blondinette et puis étant journaliste, elle avait surement des réflexes, des bons réflexes.
Se concentrant sur le récit de Yolanda, tout en essayant de la regarder dans les yeux pour ne plus penser à ce corps cadavérique et terrifiant, Elly croisa les bras et haussa un sourcil :

- Des installations militaires? Comment ça? A quoi ça ressemblait?

Est-ce que la vieille dame parlait du hangar avec le jet, ou des tentes militaires qui n'avaient pas encore quitté les lieux. Un gros doute planait tout de même, avec les bruits la nuit. Une fois sur les décombres, la blondinette en aurait le coeur net... S'étaient-ils donc emparés de Cérébra et du reste?

Et une fois leur méfait accompli, le gouvernement, si c'était bien lui derrière tout ça, avaient-ils décidé de tout raser pour ne laisser aucune preuve?

Elly s'aperçut que sa coéquipière la regardait, et lui rendit son sourire. Heureusement qu'elle n'était pas toute seule pour enquêter là-dessus. A elles deux, elles pourraient découvrir la vérité, en plus de Dieter évidemment.

Ce fut Rosa qui répondit à la question de Bozy

"Je ne sais pas... Je ne connaissais pas les gens là-bas, et ils n'ont pas repris de contacts après être partis. Quelqu'un est venu nous faire une offre pour racheter la maison, mais j'ignore si le reste a été racheté. En tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'il n'y a jamais eu personne d'autre dans les maisons vides. C'est dommages. Le quartier était beau avant. Ce qui est curieux, maintenant que j'en parle, c'est qu'on n'a jamais eu de squatteurs non plus...", nota-t-elle en passant, alors que Yolanda répondait à Elly

"Des installations... des tentes, quelques véhicules... Du bric-à-brac facile à monter et à démonter. Je ne me rappelle plus des noms de journalistes... Une dame brune..."

Bozy leva un sourcil intéressé quand Rosa parla d'une offre de rachat. Ça, c'était intéressant. Et cela méritait d'être creusé par une future visite au cadastre de la ville...

Bien entendu il ne fallait pas trop en demander aux deux dames. Avec tout ce qu'elles avaient du vivre dans ce lieu sinistre, il ne fallait pas les bousculer. Elle se maudit elle-même de ne pas avoir eu la présence d'esprit de se ramener avec un compteur geiger ou un dosimètre... Mais bref... Ce serait pour une autre fois.

Elle demanda alors :

"Une dernière question, Mesdames, puis je pense que j'en aurai terminé pour ma part : auriez-vous conservé la proposition d'offre de rachat qui vous a été faite ? Ou bien la carte de visite de la personne qui vous avez contacté ? C'est un détail important que nous pourrons vérifier de notre côté mais cela nous aiderait grandement..."

La jeune malgache fit son possible pour sourire et ajouta :

"En tout cas, Mesdames, vous nous avez été d'une aide précieuse. Je reprendrai contact avec vous, bien évidemment, si j'ai du nouveau. Ce qui vous arrive... ne devrait arriver à personne et je crois que vous avez le droit de savoir la vérité..."

Elly joignit ses mains devant elle et posa un regard respectueux sur les deux femmes. Ce qu'elles avaient vécu mérité une explication, Bozy avait raison. Et elles la trouveraient cette explication.

Pour sa part, la blondinette n'avait rien à ajouter :

- Ca sera tout pour moi. Comme l'a dit ma collègue, ce qu'il vous ait arrivé est terrible. Vous avez le droit de savoir pourquoi vous êtes tombée malade, c'est la moindre des choses. Nous ferons tout notre possible pour découvrir la vérité et vous la communiquer.

Puis, en même temps, la jeune femme énuméra dans sa tête les différents endroits intéressants à aller voir en plus des débris de l'Institut, qu'elle espérait ne pas être radioactif.

* Les anciens policiers de l'époque, les anciens habitants, les promoteurs..., ça en fait du beau monde à interroger. Heureusement que Bozy a son carnet.*

Tout en pensant, Elly jeta un oeil sur les notes de sa coéquipière, pour voir si elle avait noté beaucoup de choses.

Comme la séance de questions était terminée, Rosa accompagna Elly et Bozy vers la sortie de la chambre, puis elles redescendirent dans le salon. Une fois ici, elle apporta les dernières précisions demandées :

"Non. Je n'ai rien gardé de ces vampires. Ils voulaient nous l'acheter un prix dérisoire, et étaient vraiment trop insistants. Je les ai éconduit avec mon balai, et j'ai brûlé tous leurs papiers.", expliqua-t-elle, une trace de colère restant encore dans la voix. Puis, d'un ton plus doux, elle ajouta :

"C'est bien ce que vous faites, les filles. Je suis pas forcément pour les mutants et les Instituts et tout ça. Mais là, il s'est vraiment passé des trucs pas clairs. Le monde doit savoir."

Après avoir remercié vivement Rosa pour l'entretien, Bozy s'éloigna dans la rue. Elle souffla un bon coup pour relâcher la pression.

"On peut pas dire que j'apprécie énormément cette partie du travail... Ça, non..."

La jeune malgache regarda Elly, pour tenter de lire sur le visage de sa coéquipière son état d'esprit. Était-elle un reflet d'elle-même ou tenait-elle mieux le choc ?

Quoi qu'il en fut, Bozy décida de passer du coq à l'âne en sortant de sa poche son smartphone. Tout en pianotant dessus, elle demanda négligemment :

"Je suis pas convaincue qu'il soit bien intéressant d'aller visiter les baraques. Je pense qu'il est temps de faire entrer en scène notre ami le fouisseur..."

Elle envoya un courriel à Dieter. Un simple mot qui disait :


Puis, rangeant son appareil, elle termina à l'attention d'Elly :

"Je compte bien aller faire des recherches au cadastre après. Ça risque d'être un peu fastidieux mais... Après avoir vu cette dame, je crois qu'on peut se permettre de flinguer une après-midi de plus..."

Un frisson parcourut le dos d'Elly une fois leur sortie de la maison. Cet entretien ne l'avait pas du tout mis à l'aise, c'était le moins qu'on pouvait le dire. Elle passa la main dans ses cheveux, geste comme pour enlever le souvenir de cette femme famélique et de son histoire tragique.

- Pareil, c'est pas vraiment la plus appréciée. Espérons que la suite soit moins... effroyable.

La blondinette marchait à côté de Bozy tout en regardant les alentours. L'endroit lui était familier mais l'ambiance, elle, était étrangère. Jamais elle n'avait vu Salem Center aussi mort, ce qui n'arrangeait rien à son malaise.

- Et dire qu'avant, c'était un endroit plein de vie... Murmura-t-elle en avalant difficilement sa salive. Il faut qu'on trouve qui est-ce qui a fait ça...

D'ailleurs, sa coéquipière avait raison, pas la peine d'aller voir les autres maisons. Les choses sérieuses sur les décombres pouvaient commencer. Elly appréhendait ce moment, beaucoup de souvenirs referaient surface, c'était évident. Mais comme pour se donner une contenance, elle décida de changer un peu de sujet, et continuer sur la lancée de Bozy, c'est à dire, prévoir la suite, après la fouille des décombres :

- Si tu veux pour le cadastre, je peux t'aider. A deux, ça ira plus vite. J'aimerais bien aussi rendre visite aux policiers de cette ville et interroger ceux qui étaient en service ce soir là. Tu penses qu'on peut découvrir des trucs avec eux? Ils semblaient au courant de ce qui se passait.

Le temps de discuter et de retourner à la palissade, et elles retrouvèrent leur cher Dieter, exactement dans la même position qu'elles l'avaient trouvé pour la première fois.


"Ben vous en faites des tronches de six pieds de long... C'est donc pas reluisant à ce point là ?", demanda-t-il sans forcément attendre trop de réponses, alors qu'un fort grincement de bois maltraité accompagnait la chute d'un pan de la palissade.

"C'est ouvert !", s'émerveilla-t-il alors.

Le jardin de l'Institut n'était plus vraiment ce qu'il était. Très mal entretenu, avec des hautes herbes partout, et sans doute quelque serpent qui se promenait dedans. Un coin avait été totalement envahi par les ronces. Il n'y avait pour ainsi dire plus rien du bâtiment en lui même, mis à part quelques pans de mur aux vitres explosées qui restaient encore debout, comme pour rappeler comment était configuré le mur d'enceinte, ou la séparation entre les pièces. La végétation avait tout envahi. Aucune trace de mobilier à cette distance, ni aucune trace d'un certain trou permettant d'accéder aux sous-sols depuis l'extérieur.

"Ah ben... Il y a un peu de négligence dans le jardinage par ici...", se borna-t-il à déclarer comme tout commentaire, sans doute pour légèrement détendre l'atmosphère. "Par où on commence ?"