[Courtier Ava Parker] New-York / Une soirée trop arrosée (suite)

AX Version 1.0

Le réceptionniste semblait mal à l'aise. Il fit une drôle de moue et au bout de quelques très longues secondes répliqua d'un air hautain :

"Il n'y a personne de correspondant à votre description qui soit entré ici. Par ailleurs, je suis navré, Mademoiselle, mais il va vous falloir attendre votre amie ailleurs... Ici, c'est un établissement sérieux, pas un hall de gare !"

Le ton était sans appel.

Le type laissa Ava parler et au fur et à mesure que cette dernière déballait ce qu'elle savait, il se décomposait.

Finalement, c'est un réceptionniste plutôt impressionnée par la jeune femme qui lui répliqua :

"Je... Je ne vois pas de quoi vous voulez parler..."

Il était livide et ce avant même qu'Ava n'utilise son pouvoir sur lui. Quand elle amplifia sa peur pour lui filer la trouille du siècle, le type se recroquevilla derrière le comptoir. Il tremblait et claquait de la mâchoire. Et là... Il lâcha le morceau :

"Je... Je la connais pas cette fille... Je les connais pas ces filles... Ce sont les filles de M'sieur March... Je... Pitié... Je sais rien... J'ai même pas la clé pour cet ascenseur... Pitié, allez vous en !"

Il marqua une pause pour se faire dessus (comme Ava put le constater en regardant par dessus le comptoir) et termina d'une voix mourante :

"IL sait que vous êtes là. Tirez-vous... Par pitié..."

Etait-elle si monstrueuse que ça pour faire peur à ce point à ce pauvre type? Ava n'en avait pas la moindre idée. Toujours était-il qu'il semblait littéralement se faire dessus et que... Il s'était bel et bien fait dessus. Une grimace de dégoût déforma un instant les traits de la jolie brune avant qu'elle ne reprenne son masque d'impassibilité. Il n'avait qu'à répondre avant à ses questions. Elle tapota doucement la tête du malheureux de sa main avant de faire demi-tour, comme pour gagner la sortie. Toutefois, elle s'arrêta avant et fit demi-tour, revenant vers le comptoir.

"Qui est Monsieur March. Et comment il sait que j'suis ici?" demanda-t-elle d'une voix autoritaire en se penchant par dessus le comptoir, plongeant ses yeux couleur de glacier dans ceux du pauvre homme tremblotant de peur derrière son comptoir.

Ava? Terreur des réceptionnistes? Il fallait le croire. Mais honnêtement, si on le lui avait dit, elle aurait éclaté de rire. Une chose était sûre et certaine, elle avait hâte que tout ça soit terminé. Elle n'avait qu'une envie, rentrer chez elle et se coucher et oublier tout de cette histoire de mort imminente et de Lova Love et de Docteur Flem et compagnie. D'ailleurs, avec le recul, elle n'aurait pas été plus surprise que cela que la blondasse ne soit pas réellement malade. Elle commençait, même, à comprendre pourquoi l'asiat' la trouvait aussi bizarre et s'en méfiait tant que ça...

Le réceptionniste tremblait toujours. D'une voix de plus en plus faible, il répliqua comme pour se débarrasser d'Ava :

"J'en sais rien... Personne l'a jamais vu. C'est le propriétaire du dojo mais je sais pas ce qu'il fabrique dans les étages supérieurs... Pitié, tirez-vous ! Je vous en supplie ! IL va m'envoyer ses filles car IL sait tout avec ses caméras et... J'ai une famille ! Pitié, pitié, pitié..."

L'homme sanglotait en tremblant. Il sera difficile pour Ava d'en tirer quoi que ce soit de plus.

D'autant plus qu'une sinistre alarme incendie venait de se déclencher... Pourtant, il n'y avait pas le feu nulle part.

Il y avait, réellement, quelque chose de pas clair et de pas net dans cette histoire. Mais quoi? Une simple affaire d'espionnage industriel? Non. C'était bien plus compliqué que cela. Ava leva les yeux, cherchant les fameuses caméras de surveillance dont le type venait de parler, mais une alarme incendie retentit à ce moment là, semblant venir corroborer les propos du réceptionniste. La brune le fixa un instant d'un regard froid et métallique avant de lâcher un: "C'est bon. J'me casse. Merci pour les infos" aussi glacial que son regard.

Il n'y avait le feu nulle part. Du moins, à sa connaissance, mais il n'y avait plus rien à tirer de ce type-là, et elle n'avait aucun moyen, visiblement, de grimper à l'étage. Alors autant rentrer. Chez elle? Oui. Et passer un petit coup de téléphone à l'office pour leur donner les quelques informations qu'elle était parvenue à collecter. C'était le mieux à faire. Eux, ils avaient sans doute des relations qui permettraient de récupérer les données volées. Et puis... Il fallait bien reconnaître, une fois n'était pas coutume, que la jeune femme était fortement intriguée par quelqu'un, et qu'elle aimerait volontiers en savoir plus sur ce "Monsieur March"...

En quittant le dojo en quatrième vitesse, Ava réalisa bel et bien qu'il n'y avait pas le feu. Dans sa fuite, elle put - en jetant un regard par dessus son épaule - apercevoir deux géantes en tenues de combat sortir dans la rue... visiblement pour l'attraper, elle, la petite mutante.

Heureusement pour Ava, elle avait fui à temps. A la faveur d'un embranchement, elle réussit à se faire oublier. Elle attrapa un taxi et rentra chez elle.

L'appel téléphonique fut bref. Elle eut de la chance et tomba sur Dean Crept. Ce dernier parut troublé par les quelques bribes d'information qu'elle put lui lâcher. Il l'invita à le rejoindre au plus vite.

*
**

Deux heures plus tard, le temps de se changer, de prendre une douche et de monter dans un nouveau taxi, Ava était assise en face de Crept et Mattress. Ce dernier semblait surexcité :

"Bordel, notre cruchonne de nouvelle secrétaire a dégotté le gros lot !"

Il faisait les 100 pas dans la pièce, un pistolet à la main.

Crept avait l'air plus préoccupé. Il s'en ouvrit à Ava :

"J'ai fait les vérifications d'usage. Ce dojo appartient bel et bien à ce M. March. C'est en quelque sorte une légende dans le coin... Une sorte de fantôme, insaisissable, mais qui trempe dans tout un tas d'affaires louches..."

Mattress éructa, fier de lui :

"Et on va lui faire la peau à ce March ! Bordel, on peut pas rêver mieux comme bonne action que de lui coller une balle dans la tête et... Euh... l'asperger d'essence avant de l'empaler sur une boule de voiture..."

Crept toussa ostensiblement.

"Merci Mike. Je crois qu'Ava a compris"

Mattress se calma finalement et alla se poser sur son bureau. Il ajouta néanmoins :

"Franchement, le seul truc plus fendard serait d'exploser les dents de Satan..."

Dean soupira avant de terminer à l'attention d'Ava :

"Bon, c'est quoi ton sentiment là dedans, petite ? On procède comment ?"

Ava était parvenue à sortir à temps, heureusement pour elle. Pas de feu, mais deux géantes prêtes à en découdre. D'un coup, la belle brunette comprit de quoi le malheureux réceptionniste avait peur, et elle se retrouva pleine de pitié pour lui. Mais elle ne s'arrêta pas. Mieux valait, pour elle, mettre le plus de distance possible entre cet endroit et elle si elle tenait à sa vie. Et c'était le cas. Elle n'avait pas une vie parfaite, loin de là, elle ne roulait pas sur l'or, au contraire, mais elle tenait à vivre, et à faire de vieux os, comme on dit. Certes, elle savait se défendre. Mais contre deux trucs comme ça? Elle n'avait aucune chance. Autant être réaliste, même si ça la faisait chier de devoir recommencer cette expérience.

Une fois rentrée, elle commença par appeler Crept, tout en balançant ses converses, son jean, sa veste et sa chemise dans l'entrée de son appartement. Celui-ci lui demanda d'arriver le plus vite possible et, si Ava n'en dit rien au téléphone, elle n'en pensa pas moins qu'il attendrait qu'elle ait pris une douche et grignoté un morceau. L'eau brûlante lui fit un bien fou et lui permit de remettre de l'ordre dans ses idées. Il y avait, réellement, quelque chose de pas clair là-dedans. Elle se rhabilla finalement d'un jean propre noir taille basse, d'un haut court, se foutant comme de l'an 40 de ce que Matress pourrait lui faire comme remarque, d'autant qu'il laissait son tatouage et son piercing apparents, et renfila sa veste en jean avec, cette fois, des santiags avant de quitter son appartement qu'elle prit grand soin de fermer à clé. Sait-on jamais que ces ordures lui aient collé aux basques...

Enfin, après avoir pris un nouveau taxi, elle parvint au bureau, songeant qu'elle allait finir par demander une prime de transport, vu le nombre de taxis qu'elle avait pris dans la journée. Elle en était, au bas mot, à son quatrième, même s'il y en avait un qu'elle n'avait pas payé dans le lot.

"Appelle-moi encore une seule fois 'cruchonne', et tu vas voir de quel bois je me chauffe. Un macho de ton acabit ne m'fait pas peur, même armé..."

Sur le dernier point, elle bluffait. Mais elle pensait pouvoir avoir suffisamment confiance en ses capacités pour le faire se recroqueviller de peur sur lui-même, et donc lâcher son arme, à défaut de se pisser dessus comme l'avait fait le réceptionniste du dojo. Comme elle l'avait fait un peu plus tôt, Ava se désintéressa de Matress pour écouter plus attentivement les propos de Crept. Ils lui firent l'effet d'une redite télévisuelle avec un énième mania du crime et elle ne put s'empêcher de secouer la tête en poussant un petit soupir dépité.

"On s'croirait dans un d'ces vieux films avec un parrain d'la mafia. Des filles bodybuildés, des employés terrorisés..."

Elle s'interrompit quand Matress commença à débiter ses conneries, lâchant un:

"J'crois pas qu'ça soit bon pour ton karma d'penser à buter quelqu'un, tout salopard soit-il"

A la question de Crept, Ava ne sut quoi répondre. Son sentiment là dedans? Honnêtement?

"C'est un sac de merde épouvantable."

Pour le reste... Ils en savaient autant qu'elle.

"Mais une chose est claire, c'est que j'veux pas avoir à r'commencer cette expérience. Et, à mon avis, c'est c'qui risque de s'produire si on r'met pas la main sur c'qu'a pris l'autre blondasse..."

Crept se leva en rigolant. Visiblement le franc parler de la mutante avait réussi à sortir l'homme de son habituelle tristesse. Il commenta :

"Mike, je crois que la petite t'as remis à ta place..."

Mattress haussa les épaules et croisa les bras, à la manière d'un gamin qui se mettrait à bouder.

Finalement Dean Crept attrapa sa veste et l'enfila. Et tandis qu'il vérifiait que son arme était chargé et qu'il l'empochait, il ajouta :

"Amis des bains de sang pour la bonne cause, un gros massacre nous attend..."


Est-ce que Crept plaisantait ? Ava n'en sut rien pendant qu'ils se rassasiaient tous les trois dans un petit snack, en attendant que la nuit tombe... Ce n'étaient pas de mauvais bougres, les deux. Même Mattress quand il arrêtait un peu son numéro sexiste et grossier semblait supportable...

Finalement, ils payèrent le repas d'Ava et le leur et ils firent signe à la jeune femme de les suivre. Ils grimpèrent dans le cabriolet de Crept et se rendirent devant le dojo.

A cette heure là, il était bien évidemment fermé. Ava remarqua néanmoins en observant la façade de l'immeuble que le dernier étage était allumé.

Mattress s'approcha son flingue à la main de la devanture. Aucun rideau de fer n'avait été descendu et une simple porte bloquait l'accès au dojo.

Quelques secondes plus tard, Mattress avait réussi à la crocheter. Et les trois alliés purent voir qu'à l'intérieur il n'y avait personne. Personne au comptoir bien sur, un ascenseur et deux portes qui menaient aux vestiaires des hommes et des femmes.

Elle n'avait même pas cherché à retenir son langage. C'était sorti tout seul. En même temps, après la journée qu'elle venait de passer, Ava était quelque peu sur les nerfs, et il suffisait de bien peu de choses pour la faire démarrer au quart de tour. Et Matress était divinement doué pour ça, il fallait bien le reconnaître. Sa simple présence horripilait la jolie brune dont le franc parler semblait amuser Crept. Tant mieux. Au moins, elle n'aurait pas à craindre de se faire virer pour remise en place du macho de service. Elle aimait bien Crept - quand il ne se rapprochait pas trop d'elle - un peu moins Matress. Avec le temps, qui sait, elle apprendrait, peut-être à tolérer sa présence?

Ils partirent, bientôt, tous les trois. Crept et Matress étaient armés, comme de bien entendu, pas elle. Mais en même temps, elle n'était pas pressée de prendre une arme à feu. Elle savait se défendre à mains nues - face à un adversaire lambda - ayant pris des cours d'auto-défense, mais cela s'arrêtait là. Elle comptait, cependant, sur son empathie pour pouvoir empêcher quiconque de lui tirer dessus. C'était peut-être un peu idiot, mais elle faisait confiance à ses pouvoirs. Il ne lui restait plus qu'à espérer que ceux-ci ne lui feraient jamais défaut...

Du moins, fut-ce ce à quoi elle pensa quand ils s'arrêtèrent dans un snack pour attendre que la nuit tombe tout en mangeant un peu. Son premier vrai repas de la journée! Un miracle! Ava n'en revenait toujours pas de ne pas être tombée d'inanition entre temps. Bon, en même temps, il était vrai qu'elle avait grignoté un bout dès qu'elle l'avait pu. Mais pouvoir se poser pour manger, même un hamburger et des frites bien grasses, c'était presque le summum du luxe, d'autant qu'elle n'eut même pas à payer sa part - amen Crept.

Après un petit tour en cabriolet pour rejoindre le dojo, Ava observa le bâtiment. Curieusement, il y avait de la lumière au dernier étage. Etait-ce là que March habitait? Il fallait le croire et cela ne lui disait rien qui vaille. Elle regarda Matress s'atteler à la lourde tâche de crocheter la serrure avant d'entrer à l'intérieur. Ava fronça les sourcils avant de murmurer:

"Il y a des caméras. Je sais pas s'il y a des micros, par contre, même si la réaction du type m'fait penser qu'oui. J'crois qu'March doit être dans les étages supérieurs."

Etait-ce le moment de demander une arme? Même si elle n'en avait pas envie, Ava devait bien reconnaître qu'elle se sentait quelque peu mal à l'aise les mains vides. Aussi enchaina-t-elle: "Z'auriez pas un joujou pour moi? Et l'aurait pas mieux fallu attendre des renforts?"

Sur le dernier point, si, sans aucun doute. C'était suicidaire d'être partis ainsi sans même prévenir quelqu'un. Mais bon. Maintenant, ce qui était fait était fait. Le regard de la jeune femme se porta sur les portes des deux vestiaires avant de se poser sur l'ascenseur.

"Faut une clé pour l'ascenseur."

Pas une seule fois la mutante n'avait haussé la voix, se contentant de murmurer. Après ces derniers mots, elle se raidit un instant pour essayer de s'ouvrir aux perceptions alentours afin de capter les sentiments des personnes proches. Crept et Matress, bien entendu, mais ce qui l'intéressait c'était, par ce biais de déterminer s'il y avait d'autres personnes à proximité, ou si la voie serait relativement dégagée pour tenter d'accéder aux étages supérieurs.

"Non pas de pétoire pour la jeune fille" lança Mattress sans autre forme de procès. "Bordel, on est des agents de Dieu sur Terre, on est capable de te protéger" ajouta-t-il tout en tentant de voir comment il pourrait réussir à ouvrir la porte de l'ascenseur.

Pendant ce temps Crept jeta un œil un peu partout.

"Des caméras... Hum..."

Il dégaina son pistolet et en arma le chien.

"On aurait presque été déçus si tout allait se dérouler comme sur des roulettes"

Mike ricana, tout en s'escrimant vainement contre la porte de l'ascenseur.

"Ouais, March, on va le buter jusque dans les chiottes !"

Tandis que les deux détectives fanfaronnaient pour donner le change, Ava se concentra également en vain. Rien. Elle ne lisait rien. Il n'y avait donc personne à sa toute proximité...

... jusqu'au moment où elle perçut des émotions provenant d'une personne. De la haine. Une haine intense. Provenant de la porte du vestiaire des femmes...

... puis une autre émotion, cette fois-ci de la peur, localisée au niveau du vestiaire des hommes.

Les deux portes des vestiaires volèrent en éclat au même moment.


La fille sortant du vestiaire des femmes était vêtu intégralement de cuir. Elle portait des godasses coquées et semblait extrêmement concentrée. Elle fixait de son regard glacial les trois intrus.


Quant à l'autre, la copie presque conforme de la première, son sourire forcé laissait apparaître une crainte qu'Ava n'arriva pas bien à définir. Elle lança :

"M. March préférerez vous avoir vivants pour vous interroger. Alors déposez vos armes, Messieurs..."

Elle s'adressait plus particulièrement à Crept qui avait déjà son flingue en main. Mattress, quant à lui, était figé au sol, ayant même oublié de poursuivre ses tentatives de crochetage infructueuses...

La fille poursuivit :

"Bien sur, s'il faut vous tuer, on vous tuera..."

La situation pouvait dégénérer en une poignée de secondes tellement la fille était tendue...

Vu la réaction de Matress, il y avait plutôt intérêt qu'elle ne risque pas sa peau dans cette histoire. Car, à moins qu'il n'ait peur qu'elle ne lui tire dans le dos, il n'y avait absolument aucune raison, alors qu'ils se jetaient dans la gueule du loup pour qu'elle soit désarmée face au danger. Même s'il était vrai que, pour l'instant, elle ne sentait aucun danger en arrivage.

...

Ava avait parlé trop vite. Alors que Matress s'affairait sur l'ascenseur, elle sentit, en provenance du vestiaire des filles une personne arriver emplie d'une haine qui manqua de la renverser au sol tant elle était puissante, et du vestiaire de gauche, une personne qui semblait limite paniquée. La jolie brune se campa fermement sur ses pieds, guettant l'assaut, tout en sachant parfaitement qu'elle ne pourrait rien faire si les deux personnes étaient armées.

Ses craintes s'avérèrent, d'ailleurs, tout à fait exactes et la mutante déglutit péniblement, tout en veillant à ne pas se laisser submerger par la haine de l'une ou la peur de l'autre. *Mais qu'est-ce que je suis venue faire dans cette galère, moi?* songea-t-elle alors que la copie éprouvant de la peur prenait la parole.

"Il nous veut quoi?"

Elle n'avait pas pu s'en empêcher. Ava se mordit la lèvre alors que la fille reprenait la parole, indiquant, clairement, qu'elle et sa copine , ou soeur, n'hésiteraient pas à faire feu. Bien qu'elle eut voulu les retenir, de nouveaux, des mots franchirent la barrière de ses lèvres:

"Et qu'est-c'qui nous prouve que vous allez pas l'faire quand même?"

On était grande gueule, ou on ne l'était pas, après tout. Et Ava l'était. Certes, on aurait pu penser que March et ses femmes de main seraient dans leur bon droit s'ils les tuaient, Crept, Matress et elle. Après tout, ils s'étaient introduits dans le dojo. Mais à la base, c'était March et ses femmes de main qui avaient volé quelque chose qu'Ava et les deux détectives voulaient simplement récupérer. Un point partout, la balle au centre.

Pour autant, la jeune femme était consciente qu'elle n'aurait peut-être pas dû prendre la parole comme ça, et elle se concentra sur le calme qu'elle ressentait encore - pour le moment - pour essayer de calmer tout le monde, la paniquée, l'énervée et les deux hommes, d'autant que pour ce qu'elle en savait, Matress était capable de démarrer encore plus vite qu'elle-même...

Ava dut faire un gros effort pour activer son pouvoir. Il y avait une telle tension dans la pièce et tout le monde était déjà plus ou moins à couteaux tirés.

Heureusement pour elle, Mattress n'avait pas eu encore l'occasion de s'énerver plus que ça. Il ne fit aucun geste, se contentant d'observer stupidement les jumelles.

Crept leva les bras, lentement, son flingue toujours bien en main. Vu la façon dont les portes avaient été arrachées, les filles devaient être super fortes et en tout état de cause, bien que sans arme, représenter un danger non négligeable.

La fille au béret lança à sa sœur :

"Sally, je crois que si l'andouille ne jette pas son arme au sol d'ici une poignée de secondes, je lui arrache la tête..."

Cela avait été dit calmement ! Même sans éprouver la moindre haine, la fille en cuir était prête à tuer.

Crept soupira et posa son arme. Il lança pour appuyer Ava :

"Très bien, nous sommes sans armes" mentit-il en pensant au flingue de Mattress qui n'avait pas encore été sorti. "Nous pouvons attendre la police, nous n'avons encore rien dérobé aussi il est inutile de recourir à la force..."

Il bluffait bien sur. Ils n'étaient pas à proprement parler en train de cambrioler. Et nul renfort n'avait été appelé.

Sally fit craquer ses jointures et répliqua :

"Écoutez, nous savons très bien pourquoi vous êtes ici. Votre amie est venue au Dojo cet après-midi et cherchait quelqu'un... Bref, la police ne va pas être appelée. Et personne ne mourra si tout le monde reste tranquille. Nous allons prendre l'ascenseur et aller à la rencontre de M. March. Là vous répondrez à ses questions et si cela le satisfait, nous vous laisserons la vie sauve... Molly, tu peux ramasser le flingue ?"

Elle mentait bien sur. Et c'était même une très mauvaise menteuse. Molly se permit même d'en rajouter une couche, tout en ramassant l'arme de Crept et en la rangeant dans son blouson :

"Voyez comme ma sœur est gentille..."

Elle s'avança vers Mattress qui put s'apercevoir à quel point il faisait nain à côté de cette géante. Elle sortit de son blouson une clé magnétique qu'elle passa sur l'encadrement de la porte de l'ascenseur. Ce dernier s'ouvrir. Et les jumelles et les trois intrus purent entrer dedans... même si tout le monde était un peu serré.

L'ascenseur se mit en marche, direction le dernier étage !

La situation ne lui disait rien qui vaille. Absolument rien. A tel point qu'Ava se raidit lorsque la dénommée Sally parla de sa venue de l'après-midi. *Et merde* Ava le savait, qu'elle n'aurait pas dû venir. Qu'ils n'auraient pas dû venir sans renforts. Mais elle n'avait même pas eu le temps de leur en parler qu'ils étaient déjà partis. Elle lança un regard peu amène vers Matress qui, lui, n'avait pas dégainé son arme alors que Crept, lui, avait dû poser le sien.

Tout ça commençait à fatiguer Ava qui avait déjà beaucoup utilisé son pouvoir dans la journée. Mais au moins était-elle parvenue, à force d'efforts, à calmer quelque peu l'ambiance, même si celle-ci était toujours aussi dangereuse, si ce n'était davantage encore, maintenant qu'ils se trouvaient enfermés dans un ascenseur en compagnie de deux géantes en direction du dernier étage. Non, ça, la situation ne lui disait rien de bon et Ava se sentit devenir quelque peu claustrophobe, d'autant qu'il était clair que Sally n'avait pas l'intention de les laisser partir de là, vivants. A nouveau, Ava déglutit péniblement.

"Il nous veut quoi, vot' boss?" redemanda-t-elle malgré tout, bravache.

Finalement, les portes de l'ascenseur s'ouvrirent avant que l'une des jumelles n'ait jugé bon de répondre à la question d'Ava.

Sally et Molly poussèrent violemment Crept, Mattress et Ava hors de l'ascenseur. La jeune mutante se retrouva dans une grande pièce sombre qui devait faire toute la superficie de l'étage. A l'exception d'un écran géant, il n'y avait ni meubles ni source de lumière.

Au milieu de la pièce se tenait tout pâle et nerveuse Lova Love.

Et sur l'écran...


"Bande de chiens ! Vous allez me dire maintenant qui vous êtes et pourquoi je ne devrais pas demander à mes créatures de vous démembrer sous mes yeux !" hurla l'homme à la moustache.

*Putain de bordel de merde* pesta intérieurement Ava lorsque les portes s'ouvrirent - enfin - sur le dernier étage.

A cet instant, la jeune femme aurait donné tout ce qu'elle possédait - c'est à dire pas grand chose - pour se barrer de là et rentrer chez elle. Sans nul doute, elle aurait mieux fait de ne pas répondre à cette petite annonce ou de fuir en courant lorsqu'elle avait reconnu Matress. Mais elle ne l'avait pas fait et se retrouvait à présent dans une merde noire jusqu'au cou parce qu'elle avait besoin de thunes et avait accepté le premier boulot qui lui tombait sous la main. Peut-être aurait-elle mieux fait de continuer à chercher plutôt que de répondre à cette annonce-ci.

Ava secoua la tête à cette pensée alors qu'elle se fit pousser violemment hors de l'ascenseur par l'une des deux frangines. Elle se retrouva dans une salle vide, meublée en tout et pour tout d'un écran géant. Elle y retrouva la garce blonde, qu'en cet instant, elle n'avait pas envie d'appeler autrement. Bien entendu, les deux gardes chiourmes les avaient suivis, Crept, Matress et elle. Depuis l'écran, une voix ne tarda pas à retentir, les traitant de chiens. Ava vit rouge. Pour un peu, on aurait pu voir de la fumée sortir de ses oreilles, comme on le voit dans les dessins animés.

"Pour ma part, j'me considère pas comme une sale chienne, alors m'app'lez pas comme ça. Ensuite, je s'rais pas là si la blondasse, là, avait pas piqué un truc qui a failli m'tuer. J'veux juste récupérer la clé USB qu'elle a piqué, et après, vous pouvez viv' vot' vie tous comme vous l'entendez."

Elle avait parlé d'une voix pleine de colère, sans pour autant hausser le timbre. Elle n'avait aucune envie d'être ici, aurait volontiers troqué sa place contre n'importe qui d'autre, même contre le clochard du coin. Lui, au moins, il ne risquait pas de passer un sale quart d'heure.

"Et vous? V'z'êtes qui? Z'êtes bien à l'abri devant une caméra, vous vous mouillez pas..."

La blondasse ne réagit pas. Elle vacillait de plus en plus, comme si elle était au bout du rouleau.

Quant à Sally et Molly, si elles se tenaient sur leurs gardes, surveillant tout particulièrement Mattress et Crept, elles ne mouftèrent pas quand la voix de M. March retentit dans la salle.

"Silence, femelle !" hurla le type. "Ton existence n'a aucune valeur à mes yeux comme celles de tes amis. Vous n'êtes que de pauvres créatures dont je veux pouvoir user et abuser à ma guise ! Le contenu de cette clé USB m'a déjà été transféré et toute copie a été détruite !"

Lova Love sourit timidement à l'homme à l'écran qui claqua des doigts. Aussitôt, la fille au béret se rua sur la blonde et lui brisa le cou à mains nus.

L'homme commenta :

"Votre vie ne tient qu'à un fil ténu... Celui de votre utilité. Et tel César, je condamne et je gracie à ma guise"

Il leva un pouce au ciel... puis l'abaissa.

C'était un signe pour Sally et Molly. Elles allaient les attaquer dans la seconde.

Ce type l'horripilait au plus haut point. S'il s'était tenu face à elle, Ava l'aurait volontiers étranglé à mains nues. Enfin... Façon de parler, car lorsqu'elle vit la fille au béret briser le cou de Lova Love, la jolie brune à la peau claire pâlit plus encore. Ses yeux couleur glacier exprimèrent la peur. Allait-elle sortir de là vivante? Elle en doutait de plus en plus. D'autant que March se prenait littéralement pour Dieu. Qu'était-elle venue faire dans cette galère? C'était une bonne question. Ava recula d'un pas, mais pas plus. Crept et Matress semblait ne pas vouloir bouger, alors que c'étaient eux les deux types d'expérience. Que foutaient-ils donc? Etaient-ils à ce point déconnectés de la réalité? Etait-ce sa propre faute parce qu'elle avait essayé de calmer tout le monde?

Oui, Ava avait peur. Une peur presque panique pour sa vie, une peur qu'elle ne voulait même pas retenir. Si sa peur pouvait paralyser les deux géantes, tant mieux. Si elle pouvait donner des ailes à Matress et à Crept pour agir, ce serait encore mieux. Mais elle était même incapable de parler. Incapable d'exhorter les deux hommes à intervenir. A nouveau, elle fit un pas en arrière, mettant les deux hommes entre elle et les deux filles, incapable de détourner son regard de ces deux là.

Pourtant, elle se força à chercher une issue du regard, essayant de tourner la tête du moins possible pour ne plus attirer l'attention sur elle. Elle avait peur, et elle émettait à tout va, espérant qu'au moins, ça lui servirait à quelque chose...

Se retournant, Ava s'aperçut que l'ascenseur était bloqué... Et en matière d'issue, la pièce n'en fournissait que bien peu : seules les fenêtres pourraient éventuellement servir de sorties, pour peu que la mutante puisse survivre à la chute !

Sally se rua sur Crept qui esquiva un coup de poing qui alla péter une cloison. Quant à Mattress, il dégaina son pistolet avant que Molly ne soit sur lui. Voyant l'arme, la jeune femme saisit le poignet du grossier détective et le retourna dans un craquement sinistre.

Crept, sous le coup de la douleur, hurla un abominable juron et lâcha son pistolet qui alla s'échouer au sol.

M. March éructa :

"Très bien, petites créatures, très bien... Faites les souffrir ! Et souffrez et mourrez avec eux !"

Et il partit dans un rire sinistre, au moment où les bouches d'aération commencèrent à diffuser dans la pièce une espèce de gaz verdâtre...

Les choses dégénéraient de plus en plus. Il sembla à Ava que son empathie n'avait aucun effet sur les protagonistes et, de toute façon, il n'y avait aucune autre issue qu'un ascenseur bloqué. Et, à présent, un gaz verdâtre envahissait la pièce par les bouches d'aération. Mais non! Elle ne voulait pas mourir. Pas comme ça. March voulait quelque chose d'utile? Peut-être pourrait-elle lui donner quelque chose d'utile. Elle pouvait toujours essayer, non? Honnêtement, elle doutait que révéler ce qu'elle était pourrait être utile pour lui sauver la vie. Mais savait-on jamais? Elle n'avait pas d'autre choix, de toute façon...

"Attendez! J'peux p't-être vous être utile. J'suis une mutante!"

Elle avait, presque, crié ces derniers mots avec la rage du désespoir. Elle voulait vivre. Elle l'avait crié, et, en même temps, elle s'était concentrée de toutes ses forces pour transmettre la rage de vivre aux protagonistes de la scène et forcer une des deux filles à aller déverrouiller l'ascenseur. Elle voulait vivre. Pas mourir et les fenêtres étaient beaucoup trop hautes pour pouvoir sauter et s'en sortir vivante. Une chose était sûre et certaine, elle n'était pas faite pour être détective privée karmique...

Il n'y avait eu nul besoin des pouvoirs d'Ava pour que les détectives et les créatures de March recouvrent la force de vivre. Si Mattress se tordait toujours au sol de douleur, son acolyte tentait frénétiquement de tambouriner à tous les murs afin de découvrir un éventuel compartiment caché... En vain !

L'intervention d'Ava fut ignorée par ses compagnons d'infortune. Quant à March, il lança, hilare :

"Rectification, petite femelle... Vous étiez une mutante !"

Sally et Molly essayèrent en premier lieu de se ruer vers l'ascenseur. Mais là aussi, en dépit de leur force qui leur permirent d'arracher la porte et de se retrouver devant une cage vide et vertigineuse, c'était un autre coup d'épée dans l'eau.

Et pendant ce temps là, March se délectait de la scène, au fur et à mesure que le gaz continuait à emplir la pièce. C'était irrespirable. Oui, c'était sur... Ils allaient mourir.

Et puis... Crept eut une idée. Il se pencha au sol, toussant et cherchant à tâtons un objet... L'arme de Mike.

Il se redressa et attrapa Ava par l'épaule.

"Viens petite..."

Crept fit feu sur une vitre qui explosa en mille morceaux. Avec la crosse de l'arme, il débarrassa l'encadrement de la fenêtre des bris de verre puis regarda une dernière fois Ava.

"J'espère que vous êtes souple. J'espère que vous êtes chanceuse. Et j'espère que vous avez 9 vies. Au revoir, vous me rappeliez ma femme..."

Et il la poussa par la fenêtre...

... dans une chute longue...

... et vertigineuse...

... qui se termina dans une benne à ordure quelques étages plus bas.

Etait-elle blessée ? Paralysée ? La jeune femme n'en savait trop rien. Quoiqu'il en fut, elle perdit connaissance...


Elle se réveilla alors qu'il faisait jour. Il n'y avait personne de penché sur elle et elle n'était pas morte. Elle était dans un container à ordure. Tentant de bouger les membres, elle s'aperçut qu'elle devait avoir plusieurs côtes de cassé et certainement un truc au bras. Elle était couverte d'ecchymoses, sale et visiblement les clochards du coin l'avaient dépouillée de tous ses objets de valeur... dont ses belles santiags.

Et nulle trace de Crept, Mattress ou des deux filles. D'ailleurs, de ce qu'elle pouvait voir des fenêtres de l'immeuble du dojo tout était fermé. Comme si le bâtiment avait été abandonné en hâte...

Etiez? Etiez? Qu'est-ce qu'il voulait dire par là? Ava marqua un temps d'arrêt, incapable de réfléchir davantage. Sans l'intervention de Crept, elle aurait sans nul doute péri avec eux. Elle ne réalisa ce qu'il avait fait qu'en chutant dans le vide. Elle hurla pendant sa chute qui se termina dans une benne à ordure où elle perdit connaissance.

A son réveil, Ava ne savait plus si elle était morte, ou vivante. Il faisait jour, elle était seule, elle était sale, elle avait mal partout. Cela voulait-il dire qu'elle était vivante? Sans nul doute. Mais dans quel état? Elle tenta de bouger et y parvint en gémissant de douleur. Ses côtes, son bras lui faisaient un mal de chien. Elle leva la tête vers l'immeuble. Tout était fermé. Avait-elle donc rêvé tout ce qu'il s'était passé la veille? S'étaient-ils enfuis? Ce n'était pas le moment de réfléchir à tout ça, c'était une certitude.

Tant bien que mal, la jeune femme sortit de la benne à ordure, pieds nus. Pieds nus? Grimaçant de douleur, elle se fit les poches pour vérifier si elle avait encore son porte feuille et ses papiers, et ses clés d'appartement. De toute façon, tout ce qu'elle pouvait faire, c'était tenter de gagner l'hôpital le plus proche pour se faire soigner. Et ensuite? Elle n'en avait pas la moindre idée. Advienne que pourra...

Ryan, quant à lui, avait réglé ses comptes à Seattle, afin d'être un peu plus tranquille pour faire les recherches de son mystérieux professeur. Une enseigne, et éviter l'école des bouffons. Comme indices, c'était plutôt maigre. Mais la ville de New-York était une certitude. Peut-être une des seules d'ailleurs.

Sortant de la gare, il put jeter un regard à la grosse pomme. Où avait-il atterri ? À New-York, c'était une première certitude. Mais dans quelle galère, c'était une question peut-être plus pertinente, essentiellement parce que la réponse lui échappait encore pour l'instant. Autant chercher une aiguille dans une meule de foin.

Il apparut alors à Ryan que son destin était de tomber sur des femmes tombées du ciel. Sans même qu'il s'y attende vraiment, il entendit un cri, suivi d'un bruit de chute, dans une ruelle à proximité de là où il se trouvait.


Où avait atterri Ava ? Dans une poubelle, c'était une première certitude. Mais dans quelle galère, ça, c'était une question peut-être plus pertinente, essentiellement parce que la réponse lui échappait encore pour l'instant. D'ailleurs, cette histoire de bâtiment qui avait changé était perturbante. Même si elle avait une idée plus claire d'où elle se trouvait en prenant le temps d'un peu regarder aux alentours : vu le profil, c'était toujours New-York, et vu les bruits ambiants, ainsi qu'un panneau indicateur non loin de là, elle était près d'une gare de monorail.

L'ennui, c'est qu'elle n'avait plus rien sur elle. Mis à part ses vêtements bien sûr, ni clés, ni papiers, ni argent...

Ryan n'avait toujours pas choisi entre l'audace et la folie, après sa décision de quitter Seattle pour venir fouiller New York City. D'un côté, l'occasion était trop belle pour la laisser passer, et depuis qu'il avait annoncé à son patron qu'il démissionnait, les analyses financières ne lui manquaient absolument pas. Il se rassurait en se disant que toutes ses qualifications ne s'étaient pas évaporées. S'il cherchait bien, il pourrait retrouver un job. Parce que, d'un autre côté, il devait trouver quelqu'un, ou quelque chose, dans l'ensemble de New York.

Le Hawaïen avait décidé de voyager léger, attendant d'avoir un pied à terre pour se faire transférer ses bagages. Il portait un T-Shirt blanc, un jean slim et une paire de mocassins en cuir, en plus d'une sacoche noire en bandoulière, contenant ses papiers d'identité, son portefeuille, son téléphone et les inévitables lunettes de soleil. Ryan avait tué le temps durant le voyage en écoutant de la musique calme qui l'avait aidé à trouver le sommeil.

Il sortit de la gare sans avoir la moindre idée sur la destination à prendre, et décida donc de laisser son instinct, ou le hasard, le guider. Compte tenu de sa soirée de la veille, il ne préférait pas tirer de plans sur la comète, tant son avenir pouvait changer en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire. Et lorsqu'il entendit un cri, il décida que c'était un point de départ intéressant.

*Advienne que pourra. Si c'est une blonde, je me méfie.*

Il trottina jusqu'à la ruelle, juste à temps pour voir une jeune femme sortir de ce qui était visiblement...et bien, un tas de déchets. Avoir entendu le bruit de chute changea son interprétation de la scène.

*C'est pas une fin de soirée difficile...*

Ryan accourut en direction de la malheureuse.

"Vous allez bien ? Rien de cassé ?"

Il leva les yeux vers le bâtiment qui jouxtait les bennes à ordure, essayant de comprendre ce qui avait pu se produire.

"Je dois dire que vous ne ressemblez pas à un oiseau. Les gens comme vous sont censés prendre l'ascenseur" ajouta-t-il en souriant. Elle n'était pas blonde, donc elle n'allait peut-être pas essayer de l'étrangler, même s'il fallait prendre des précautions. Cette jeune femme avait subi un choc, au propre c'était sûr, et sans doute au figuré vu ce qui venait de lui arriver. Difficile de prévoir sa réaction.

Vivante, mais avec la sensation d'être cassée de partout, vivante, mais sans ses clés pour rentrer chez elle. Le reste, elle s'en foutait, concrètement. Son téléphone, ses papiers, ça pouvait se racheter et se faire refaire. Mais des clés... Et ses chaussures, aussi. Elle y tenait. Elle les avait depuis super longtemps.

Ava serra les poings, un mouvement qui l'élança dans tout son bras. Grimaçante de douleur, elle tourna la tête en entendant une voix masculine s'adresser à elle.

"Ca s'voit, non?" répliqua-t-elle d'une voix un peu sèche s'il en était alors que le type reprenait sur son manque de grâce. Un manque de grâce qui lui fit froncer les sourcils.

"Vous aussi, si on vous balançait d'une fenêtre droit dans une poubelle et qu'vous vous réveilliez ailleurs après vous être fait voler vos affaires, vous manqueriez d'grâce..."

La jeune femme regarda autour d'elle, tachant de situer où elle se trouvait. New York? Apparemment, elle n'avait pas changé de ville. C'était déjà ça. Elle détailla le type des pieds à la tête, cherchant à connaître ses intentions du regard avant de changer d'avis. L'autre à l'écran lui avait dit qu'elle n'était plus mutante. Mais elle ne pouvait pas y croire. Ce n'était, juste, pas possible. Impossible. L'empathe se concentra donc pour déterminer quels étaient les sentiments de celui qui lui faisait face avant de reprendre:

"V'savez dans quel coin d'New York on s'trouve?" avant de marmonner plus pour elle-même qu'autre chose: "Au moins j'ai d'la chance dans mon malheur, c'pas un laid'ron, c'type... J'aurais pu tomber plus mal..."